Irena

Irena, la Chinoise, l´unique, l´incomparable, l´inégalable... On n´a jamais su pourquoi on l´appelle la Chinoise, mais ca ne l´emeut pas plus que ca, d´ailleurs, pour l´émouvoir, faudrait se lever tôt... Irena n´a pas froid aux yeux, la vie ne lui a pas fait de cadeaux, et elle sait faire front a toutes les situations pas possibles. C´était tout une histoire pour réussir a la faire venir de son bidonville de Kubachy, le plus miséreux de tous ceux des environs... Bien sur, personne ne voulait qu´on emene les jeunes de la bas. Et puis on l´a fait quand meme. Heureusement...
 

C´est bien connu, les parias ont leurs propres parias, et ainsi de suite… Chez les Roms, en général, déjà les autres Roms sont les pires… „Nous, ca va, mais eux, ils ne faut pas aller chez eux, ils sont les pires de tous…!“ Cet adage s'applique pour tous les cas de figure, dans toutes les directions géographiques et pour toutes les populations roms aux alentours…

Mais là aussi, il y a des champions, et le petit bidonville de Kubachy, d´où vient Irena, bat tous les records. Tous les Tsiganes de la région, à l'unanimité, s´accordent pour dire qu´il ne faut surtout pas aller là-bas, ce sont les pires de tous… Alors, on y va, et on organise sur le champs notre premier Festival Interbidonville, Akana me (Maintenant, à mon tour). Et tout se passe très bien, pas de meurtre, ni enlévement, ni vol, ni viol… Au contraire, les braves bougres sont très heureux que pour la première fois de leur vie quelqu´un ose venir chez eux, et qui de plus est, avec un super programme tsigane. Par la suite, pendant quelques années nous amenons une demi-douzaine de gamins aux répétitions et en tournées. Ce n´est pas évident, car le petit bidonville est complètement excentré, en lisière de la forêt, sans route d'accès, bien entendu sans électricité ni eau. Et en plus, dans le sens opposé au trajet de notre lieu de répétitions, donc nous ne pouvons pas maintenir ce contact très longtemps. 

Une des filles sort nettement du lot, c´est Irena, la Chinoise. Personne ne sait d'où lui vient ce sobriquet, mais elle s'en porte pas plus mal, alors, il ne faut pas chercher à comprendre. Irena a beaucoup bourlinguée. Elle a eu droit au crâne rasé, la punition qu´on administre chez les Roms aux filles qui ne se conduisent pas bien. Alors, pour passer avec nous au Talent Slovaque, le top du top à l'époque, il a fallu lui acheter une perruque…

Mais rien n´y a fait. Chez nous, ça allait, mais à la maison c´était tout le contraire, alors Irena a vécu quelques années comme SDF, ce qui n´est pas évident dans nos contrées, avec des températures qui descendent à moins 20 ou 30 en hiver. Finalement, elle a réussi à se ranger, et vit actuellement dans un autre bidonville, à une centaine de km de Kubachy, à Telgárt. Pareil pour Telgárt, tout le monde dit que c´est le pire de tous, mais hélas, pour une fois cela semble être bien justifié...