Stefan
De gauche a droite : Iveta, Joana, Stefan, Duško, Hafsatou, au Chapiteau Raj´Ganawak a Saint Denis, 2018
Stefan a intégré le groupe sur la tard, mais, l´air de rien, ça fait maintenant bien dix ans, et entre-temps il est devenu non seulement un des plus anciens, mais aussi un des piliers du groupe, instructeur de danse et notre bras droit et agent de communication quand aux affaires internes du groupe. Stefan a un sens du collectif très développé et est un véritable agent de liaison au sein du groupe. Il a des compétences non seulement en tant qu´instructeur de danse, mais aussi en tant que "grand frère" pour tous les marmots, garçons et filles qui intègrent le groupe.
Il était aussi une des figures centrales du collectifs des étudiants de notre lycée, et a passé avec succès le bac chez nous. Ensuite, il a intégré le Conservatoire Rom de Košice, et est actuellement en quatrième année de Fac de pédagogie à l'Université Catholique de Ružomberok. Hormis cela, il a joué dans le film Cigán de Martin Šulik et a participé activement dans de nombreux reportages TV et a acquis ainsi une solide expérience de travail devant les caméras.
En répétition a Kežmarok, 2020
Arche de Noe, Festival de Rudolstadt, Allemagne, 2016
Tournage du film Cigán de Martin Šulík, 2010
Extrait du journal du bord, tournée de printemps 2024
Ce gros paquet de temps libre dont nous disposons inopinément nous permet de passer à une activité dont tous nos amis et partenaires français raffolent, mais que nous ne pratiquons pratiquement jamais – la discussion en groupe. Et nous avons de quoi discuter, ce ne sont pas les sujets qui manquent ! Surtout un, celui des finances, du rapport à l´argent en général et de toutes ces histoires à dormir debout qui nous tombent dessus avant chaque départ en tournée, en particulier, lorsqu´on nous fait du chantage de tous les côtés pour nous sous-tirer quelques euros pour les soi-disant indispensables affaires qui manquent tout à coup aux jeunes pour le voyage. Nous réunissons tout le monde dans le vestibule du rez-de-chaussé et nous entrons dans le vif du sujet. Le mieux, c´est de se servir d´exemples concrets. Stefan et Tomas seront les outils pédagogiques du jour. En effet, tout le monde les connaît, ils viennent des mêmes bidonvilles que tout le monde, ce sont des jeunes Roms comme eux tous, pareils, ce sont deux des leurs. Stefan et Tomas travaillent actuellement à Bratislava. Ils gagnent bien leur vie. Pour pouvoir venir avec nous en tournée, ils ont du prendre des congés dans leurs entreprises respectives. Donc pendant ce temps, lorsqu´ils seront avec nous, ils vont gagner moins d´argent. Ils vont perdre de l´argent, ou vu différemment, c´est comme s´ils payaient pour pouvoir venir en tournée avc nous. Nous faisons exprès de tout expliquer en détail, comme aux tout petits enfants pour que tout le monde comprenne tout. Stefan et Tomas se prêtent volontiers à ce petit jeu, ils y vont aussi de leurs explications, et affirment haut et fort qu´ils ne nous ont pas demandé de l´argent pour venir, qu´ils n´en ont pas reçu, et qu´ils sont venu en tournée avec nous uniquement sur leurs propres fonds. Et qu´ils sont très contents d´avoir pu le faire, et qu´ils espèrent que ça se reproduira. Et en plus, tous les deux sont de véritables apports, nous aident vraiment, tant sur le plan artistique que sur tout le reste, la cuisine, la surveillance, etc. Donc ils pourraient légitimement avoir des prétentions au niveau financier (comme d´autres au pays), mais non, ils n´en ont pas eu, ils sont venu gratuitement ! Voilà pour le décor de notre séance de pédagogie de groupe, et le contenu en est ce rapport exacerbé à l´argent, au profit qui doit être généré de toute activité, quelle qu´elle soit, on ne fait rein gratuitement chez les Roms au bidonville… Et pourtant, Stefan et Tomas sont venus gratuitement nous aider ! Donc, la conclusion, s´il peut il y en avoir une, est que, d´accord, au bidonville ça se passe comme ça, mais ici, entre nous il en est tout autrement. Et d´ailleurs, pas qu´ici, mais aussi dans le vaste, grand monde en dehors des bidonvilles, en dehors de la misère éternelle, les gens aident, les gens s´aident, aident ses prochains sans forcément en attendre toujours du profit, les gens s´aident parce que c´est comme ça que marche le monde, c´est comme ça que la terre tourne. Nous sommes dans la deuxième moitié de notre tournée qui touche bientôt à sa fin. Les jeunes ont découvert et vécu que des choses extraordinaires, dont ils n´auraient même pas pu rêver s´ils seraient restés à la maison, s´ils n´étaient pas partis avec nous. Et pourtant leur départ était sérieusement compromis par toutes ces histoires d´argent qui ont pourries les journées d´avant le départ. Nous, ça nous a coûté beaucoup d´énergie, nous avons du énormément batailler pour que finalement presque tous puissent partir. Presque tous, parce qu´il y en a qui sont restés à la maison et n´ont pas pu partir et vivre tout ca, tout ce que vous avez vécu. Cela n´aurait pas été dommage si vous aussi, vous ne seriez pas partis ? Ce n´est pas une véritable discussion, mais plutôt un monologue mené par Helena et moi. Les jeunes n´ont pas l´habitude de s´exprimer comme ça, officiellement en public. Mais plus tard, d´une manière informelle, le sujet reviendra, entre eux, avec Helene... Le plus jeune des chauffeurs est là, intéressé, il suit nos palabres. On lui demande tout de go combien va coûter le bus. Dans les 8 – 9 mille euros, il répond. Est-ce qu vous avez de quoi payer, nous demandons aux jeunes. Dans les autres groupes folkloriques semblables au nôtre, mais slovaques, les parents se cotisent à raison de 2 – 3 cent euros par enfant et le bus est payé. Vous, vos parents n´ont pas de quoi payer, il y a des gens en France, qui ne vous connaissent même pas, qui ont trouvé de l´argent pour que ce voyage puisse se réaliser. Ils ont payé à votre place, à la place de vos parents. Sans cela vous n´aurez pas pu partir. Il faut en être conscients, et mériter ce formidable cadeau. Bien se tenir, bien se comporter, et se rendre compte que la vie peut être aussi faite d´entre-aide, d´amour de son prochain, on en parle dans la Bible, on en parle aussi dans le conte de fées tsigane de la bonne fée rom Kesaj, qui dit que si tu veux recevoir de l´amour, il faut que tu saches en donner…