Saint-Denis
Nous avons organisé une sortie en petit groupe – Helena, moi, Ivana, Stano, Dusko et Janka, avec Alex comme deuxième chauffeur, pour venir sur Montreuil et St. Denis répéter avec les jeunes Roms roumains, pour les inclure dans notre spectacle, et les faire monter eux aussi, sur la scène du Zénith. Comme d’hab., c’était aussi directement lié aux possibilités financières, qui étaient pratiquement nulles, heureusement Johann nous a proposé de participer à ce voyage avec 500 euros de la part d’Yepce, alors on pouvait partir. Partir 4 000 km pour juste quelques répétitions sur des terrains et des squats, sans savoir ou on va, comment et avec qui on va faire, était assez risqué sinon absurde. Mais partant du postulat que la situation des terrains et des squats est dans son essence bien plus absurde, c’est dans un ordre naturel des choses que nous primes la route pour Paris, au départ de Kežmarok, vers la mi-février 2009. Je voulais avoir mon fils Alex avec moi pour ne pas avoir à conduire tout seul, d’ autant plus que le temps était atroce, de la neige sans arrêt, partout, dans certains coins de Moravie des records historiques étaient certainement battus, sur les parkings il y avait des couloirs de neige qui dépassaient en hauteur les bus… Nous roulions la nuit, on a réussi à se perdre au niveau de Brno, donc on s’est en plus tapé les petites routes vers la frontière polonaise, sans aucun chasse neige à l’horizon, en tout nous avons mis 26 heures pour atteindre Paris. Ce voyage, nous l’avions évoqué, mais sans plus, car trop d’incertitudes planaient autour. Ce qui fait que nous arrivions à la première répétition chez Micha pratiquement à l’improviste. Je ne voulais pas, non plus les prévenir à l’avance pour qu’ils ne fassent pas toute une réception à cause de nous. Donc je n’ai prévenu Coralie de Parada qu’une vingtaine de minutes avant que l’on arrive. Ce qui a de toutes façon suffit amplement à Micha et Verona pour nous préparer un gueuleton à la roumaine comme il se doit. Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, dans la petite cour du squat de Micha à St. Denis, il pleuvait un peu, mais tout était prêt, les tables dressées, la sono rafistolée en place, et les filles en train de danser consciencieusement les danses du ventre sur du manélé à fond la caisse. Le plaisir de se retrouver était évident, celui de danser aussi, mais j’étais un peu désemparé quand à la suite immédiate des événements. En effet, nous avons fait déjà un spectacle avec eux lors de notre séjour précédent, mais elles n’ont dansées que leur style à eux, de forte influence orientale, à l’évidence très diffèrent du nôtre. Et il n’était pas du tout évident qu’elles arrivent à suivre ce que nous voudrions leur apprendre, ni que ça leur plaise, d’ailleurs. Le manélé faisait rage, l’ambiance était frénétique, tout le monde était en attente de ce que nous allions apporter. Que faire ? Comment enchaîner ? Nous n’étions que 5, sans toute la masse habituelle, en plus il y avait une pluie fine, il faisait froid, j’avais beau sourire et apprécier l’ambiance Kusturitsa, je ne savais absolument pas comment m’y prendre pour que l’ambiance ne retombe pas, pour entrainer de suite tout le monde, pour éviter un fiasco. Donc la seule solution – foncer dans le tas, aller à fond, comme d’habitude, lorsque nous sommes chez nous, lorsque nous nous sommes à 40 sur quelques mètres carrés à faire de la transe collective en musique, chant et danse. Heureusement que nous avons pu brancher notre synthé sur la sono locale, donc nous avions l’avantage du son, et finalement, sans aucune explication ni entrée en la matière, nous avons lancé la répétition à fond, comme d’habitude – avec, surprise, la même réaction que d’habitude – tout le monde est rentré d’emblé dans le jeu, les filles de Micha n’ont même pas le temps d’être désemparées par ce qu’il leur arrive, qu’elles sont prises dans la danse et le chant de notre programme. Il faut dire qu’elles nous ont déjà vues en spectacle, elles ont visionnées des cassettes, donc elles étaient déjà accoutumées un peu à notre style. Mais même avec cet antécédent modeste, on peut dire qu’elles se sont vite adaptées, que ce soit au niveau danse ou même le chant, prouvant à l’évidence que les différences culturelles entre les Roms ne sont pas si grandes que cela, pour ne pas dire qu’elles sont pratiquement inexistantes… Bien, la première manche était gagnée, nous avons pu profiter de l’accueil chaleureux par la famille de Micha, et rentrer se reposer. Le lendemain on a remis cela, il y en avait un peu plus, le travail avançait vraiment rapidement, notre petite équipe d’ « Instructeurs sans frontières » était très efficace, Stano et Ivana pareils à eux-mêmes, habitués de ce genre de situations, Janka très à l’aise et Dushko idem. Héléna a menée la deuxième répétition seule car je devais m’absenter pour des raisons de santé de ma mère. Les deux premières répétitions – ateliers, s’étant passés à Saint Denis, nous voulions aussi percer à Montreuil.