Septembre
10.9.2023
Le temps étant toujours de la partie, nous avons profité du premier weekend de septembre pour repartir en randonnée, le canyon de Suchá Belá dans le Paradis Slovaque a été une nouvelle fois pour nous une destination paradisiaque dont on ne se lasse pas...
C´est bien connu, les montagnes sont les plus belles en septembre. Alors nous nous sommes tapé le canyon de Suchá Belá au Paradis Slovaque, et le refuge Téryho chata dans les Tatras. Là haut ça a soufflé un peu, mais ce ne sont pas des petites bourrasques d´automne qui vont nous déranger…
Il est encore à souligner, que nous sommes partis pour les deux rando à 6h du matin et à midi nous étions déjà rentrés à la maison !
Hory sú najkrajšie v septembri, to je známa vec, tak sme si dali Suchú Belú a Téryho chatu. Na Térynke síce trochu fúkalo, ale komu by to vadilo…
Treba ešte poznamenať že na obidve túry sme sa vybrali už o 6h ráno a na obed sme už boli doma !
La montagne a en ce moment toutes les faveurs. Notamment, celles de la météo, qui est irréprochable, un vrai temps de mois de septembre, le plus propice aux randonnées en altitude. Nous avons alors convenu de faire une sortie dans les Tatras aussi ce week-end, les heureux élus devaient être les nouveaux garçons de Rakúsy, qui piaffaient d´impatience de partir dans les hauteurs. On leur a fait essayer les chaussures de montagne, et nous nous sommis d´accord pour nous retrouver le surlendemain à 5h du matin chez eux, au bidonville. Manque de chance, le temps a changé subitement, la météo a annoncée de la pluie, alors il ne restait qu´à remettre la sortie au lendemain. Mais, de nouveau le sort a contrarié nos projets, le pneu avant de ma voiture a crevé, nous étions un jour férié, impossible de trouver un service ouvert. Ne restait de nouveau qu´à rapporter le trek à plus tard. Entre temps nous avons organisé une répétition, et les petits sont revenus à la charge, quand est-ce qu´on part dans les Tatras?! Ils ont attendu la veille à 5 h du mat pendant une heure que je vienne, bien que je leur ai fait passer le message que je ne pourrais pas venir à cause du pneu crevé. Alors tant pis, on a décidé de partir quand même, même si le temps prévu n´était pas au top, et même s´il a fallu écrire une petite lettre à la directrice de l´école pour excuser leur absence. A 6h du matin pile, tous étaient au rdv, chauffés à bloc pour leur première montagne.
Il y avait cinq gars de 10 à 15 ans de Rakusy, et Matej, jeune adulte, de Lomnica. La veille, lorsque nous nous sommes organisé après la répétition, il y en avait qui ne voulaient pas partir si Matej venait, toujours ces antagonismes archaïques entre les différents bidonvilles, mais au final tout le monde était là. C´est bien de partir tôt le matin, le sentier est pratiquement vide, il ne fait pas trop chaud et on a le temps de faire la rando avant que le temps se dégrade. Nous prenons les sentiers des sherpas, ceux de ma jeunesse de porteur, que les touristes ne connaissent pas. Il n´y a personne à part nous, il faut faire constamment du bruit pour signaler notre présence et faire éloigner les ours, fréquents dans nos montagnes. A ce niveau, aucun problème, les gars sont sans arrêt en train de se chamailler et se railler les uns avec les autres, au niveau sonore nous sommes irréprochables, une vrai bande de tziganes, aucun ours à l´horizon.
Nous montons relativement vite, l´équipe est en bonne condition physique, tous bien chaussés grâce à nos récents sponsors en équipement de sport, pour leur première sortie dans les hauteurs les nouveaux s´en tirent bien, c´est le plus jeune, le petit Vladko qui est le plus performant. Nous devons faire attention à Erik, un peu potelé, qui a failli trébucher plusieurs fois, heureusement il n´y a pas eu de mal. C´est un sentier touristique, mais certains passages sont quand même relativement exposés, il faut faire attention ou on met les pieds. Sur la carte il y a marqué 2h45 de marche pour monter au refuge de Téryho chata, nous les faisons en 2h15, ce qui est honorable pour les novices de Rakúsy. Nous faisons une bonne pause au refuge, nous avons de quoi nous ravitailler avec nous, du lard cuit dont les Roms raffolent, idéal pour reprendre des forces avant la descente.
Encore un petit tour autour du refuge, histoire de faire quelques photos, nous sommes à plus de 2000 mètres, vraiment au pied des cimes. Compte tenu du climat continental, au niveau du relief cela correspond en gros a mille mètres de plus dans les Alpes, de quoi impressionner nos jeunes. Mais le temps change subitement, les bourrasques de vent se font de plus en plus fortes, font trébucher nos jeunes montagnards, à leur plus grande joie, il est temps de repartir. Une pensée émue pour Michal, qui nous offert les chaussures et aussi des coupe-vents, qui sont venus on ne peut plus à point avec ces rafales glacées, prémices de l´hiver précoce dans ces altitudes. Il n´est même pas midi, et nous voilà revenus au point de départ, à Rakusy. Durant le trajet en voiture certains ont déjà somnolé, ils vont bien dormir cette nuit.
Roman me téléphone pour savoir s´il y a une répétition. Aussi pour savoir s´il y aura l´occasion de se voir. De nouveau, il n´a pas reçu les allocations familiales, il lui manque chaque fois un papier à remplir, alors ça sera pour le mois prochain, avec le versement des arriérés, une vraie aubaine. Mais en attendant il n´y a rien dans la marmite et ses quatre enfants ont le ventre vide. Roman souffre d´une malformation à la hanche de la naissance et il ne voit pas d´un œil. Normalement il devrait toucher une pension d´invalidité, mais pareil, il y a toute une paperasserie à remplir, à faire valider, donc il faut attendre, et attendre, mais un jour, ça viendra. Il touchera au moins une petite obole pour survivre, car son invalidité est réelle, il n´arrive pas à tenir longtemps debout, et tous les emplois qu´il a essayé se sont soldé par des échecs.
Au moins une lueur d´espoir dans sa situation, il a trouvé un chat, pourtant pas très gros, mais qui arrive à faire fuir les gros rats qui venaient chaque nuit à l´abordage de sa cabane, radeau de la Méduse des Tatras. Je conduis sa plus petite aux urgences, ensuite à la pharmacie et retour au bidonville et je peux rentrer, après avoir récupéré Helena qui rentre de Košice, de l´école, ou elle est partie à cinq heures du matin. Il est pas loin de sept heures du soir.
On repart dans nos activités de septembre, mais c´était bien plus simple en été, pendant les vacances. Maintenant il y a l´école, et l´École spéciale (pour handicapés mentaux) dans la quelle vont de nombreux de nos jeunes, notamment les plus petits, a aménagée les horaires des cours de telle sorte, que certains aurons les cours toute l´année que les après-midi. Ce qui n´est vraiment pas très pratique pour organiser nos répétitions. Il faudra faire des cessions matinales spécialement pour eux. Mais ça fera des groupes scindés, et on ne pourra plus bénéficier de la dynamique du groupe, fondamentale dans notre façon de faire, lorsque les plus grands transmettent leurs acquis et savoir-faire aux plus petits. Et pas qu´au niveau artistique, il s´agit aussi une transmission des acquis sociaux, des éléments de bonne conduite, qui ne peuvent être assimilés et reproduits qu´en se référant à un exemple concret, un exemple personnel, du grand frère, cousin, copain du bidonville qui est plus expérimenté. En fait, on copie le système familial, archaïque qui a cours au bidonville, ou la communauté dicte la conduite à tous les individus dès le plus petit age. Ça serait vraiment dommage de les priver du groupe, c´est eux les plus fervents, qui m´appellent tous les jours quand est-ce qu´il y aura une répétition ?! Je comprends la directrice de l´école, on se connaît depuis des lustres, elle a d´autres soucis que de s´occuper des activités para scolaires de ses élèves, d´ailleurs ils n´en ont pas, les parents du bidonville n´envoient pas leurs enfants en aucun atelier, ni cours extra scolaire. C´est déjà un exploit s´ils envoient leurs enfants a l´école normale – spéciale. La directrice emploie toute son énergie à faire venir les élèves en cours. Grâce à un système social très répressif, reliquat du système politique d´avant, qui punit carrément de prison les parents qui ne veillent pas suffisamment a l´assiduité scolaire de leurs enfants, il y a une scolarité en Slovaquie qui est très performante au niveau de la quantité, de l´assiduité scolaire, il n´y a pratiquement pas d´abstentionnisme, mais qui a des énormes lacunes au niveau de la qualité de l´enseignement et des résultats scolaires. Il n´y a rien à faire, on n´arrive pas à combler les lacunes abyssales à tous les niveaux entre les populations rom marginalisées, de plus en plus nombreuses, et la majorité, de moins en moins nombreuses en ces contrées qui deviennent peu à peu exclusivement rom. L´école spéciale en question, de Veľká Lomnica, est toute flambante neuve, sa construction vient d´être à peine achevée l´année dernière. Elle est parfaitement équipée aux normes européennes, grâce aux fonds européens. Et pourtant, dès sa mise en chantier on savait déjà que sa capacité sera insuffisante, la preuve, ces horaires impossibles, qui pénalisent les enfants...
Autre problème, récurrent, mais qui ne fait que s´accroître, le coût de la logistique de notre action. Note bailleur vient de nous augmenter le loyer de 20 %, avec les augmentations des énergies de l´année dernière (de 200%), cela nous fait une énorme différence au niveau de notre budget de fonctionnement à l´année. A cela il faut ajouter l´augmentation catastrophique du prix du transport en bus de Rakusy à Kežmarok, qui concerne plus de la moitié de nos troupes. On galère pour couvrir ces frais, et il ne nous reste plus de quoi faire pour développer nos activités avec les jeunes. Ce qui est absurde, car il est inutile de payer un loyer aussi important si on ne peut pas ensuite pleinement profiter des locaux pour leur usage initial – les activités avec les jeunes. Les locaux dont nous disposons actuellement nous conviennent parfaitement. Ce sont les locaux de notre ancien collège et lycée, nous y avions le rez de chaussé plus le premier étage a l´époque lorsque nous avions quatre classes, nous louons maintenant que la partie au rez de chaussé. Nous avons deux grandes salles pour les répétitions, on peut ainsi séparer les groupes des filles et des garçons lorsque cela est nécessaire, une petite remise pour les instruments de musique et les costumes, et des toilettes. Un bureau, avec tous les documents, affiches, partitions, photos, etc., complète le tout.
Pour nous, qui, durant toute la période du début du groupe, une dizaine d´années, étions habitués à travailler dans un couloir non chauffé avec un sol en béton, les locaux actuels s´apparentent pratiquement à du luxe. C´est non seulement un lieu de travail, de répétitions, mais aussi un lieu de vie, ou tous les jeunes du groupe se retrouvent dans un environnement fondamentalement différent de leur cadre de vie au bidonville, c´est un lieu qui participe à l´identité du groupe. En plus, l´endroit est très bien situé, non loin de la gare des trains et des bus, tout en étant un peu en dehors de la ville, dans une zone industrielle, ou les décibels produits par nos répétitions ne dérangent pas, pas plus que la concentration des jeunes Roms, qui, il faut bien le dire, ne serait pas la bienvenue partout.
Avant, nous avions de sorties pour des spectacles à l´international plus fréquentes. Il nous arrivait même de générer parfois des petits bénéfices, qui nous aidaient ensuite à assurer la logistique de base. Avec le Covid tout a changé. Il y a eu d´abord la pause de presque deux ans, beaucoup de structures culturelles ont changé ou disparues, nous mêmes, nous sommes dans une autre démarche qu´avant. Nous mettons plus l´accent sur l´essentiel, le maintien de nos activités, et leur accès au plus grand nombre de jeunes et enfants des bidonvilles, y compris à ceux qui sont austarcisés au sein de la communauté, pourtant elle même marginalisée. Cette ouverture maximale sur les plus déshérités entraîne bien entendue une plus grande instabilité au niveau des effectifs, les jeunes viennent, ensuite pour toutes sortes de raisons on ne les revoit plus, et il est difficile et périlleux en ces conditions de mettre en place une formation artistique capable de se présenter telle-quelle sur des scènes internationales et de relever les défis que le milieu artistique semi professionnel ou professionnel, tel que nous l´avons fréquenté, présente. D´ailleurs, cette optique était toujours la nôtre, mais disons, qu´avant nous étions plus sereins, concentrés sur une jeunesse que nous avons côtoyé au plus près que maintenant, les jeunes étaient plus à notre contact du fait de leur habitat plus à proximité, aussi du fait des liaisons familiales, et aussi, nous étions plus jeunes… Nous tirions aussi avantage à l´époque du fonctionnement de notre lycée, avec une équipe de jeunes danseurs et danseuses qui étaient en même temps des étudiants de notre établissement, et il était plus facile d´élaborer des projets à moyen ou même long terme, qu´avec les jeunes qui nous fréquentent maintenant, qui n´ont pas de projet de vie véritable, à part celui de toucher des aides sociales ou partir travailler dans des réseaux de travail au noir douteux, qui se soldent la plupart de temps par des retours au bidonville sans être payé, après avoir travaillé plusieurs semaines.
Une bonne nouvelle ! Nous avons eu l' heureuse surprise d'apprendre que notre ami, le photographe Oliver Ondráš vient de recevoir le prestigieux prix du Concours International de la Slovak Press Foto. Il a été récompensé dans la catégorie des photos dans la catégorie des arts et de la culture, dans une forte concurrence internationale, avec des photos de nous qu´il a prises lors d´un de nos spectacles à Poprad l´année dernière. Nous en sommes très heureux pour Oliver, et aussi pour nous en toute simplicité et modestie, car cet événement nous apporte une bonne visibilité au niveau national et international. Si nous ajoutons à cela l'exposition de Johann Le Berre, Tsiganes le Paradis des Yeux, en Bretagne, plus une participation à une expo photo à la ville des Ponts de Cé, cela nous fait en tout trois manifestations liées à l'image, dans lesquelles nous sommes représentés. Plus la projection fin de septembre du documentaire La Tsigane – en route avec Tamèrantong à la Médiathèque Matéo Maximoff à Paris, et la diffusion de ce même documentaire en version slovaque en début d'octobre par la télévision nationale slovaque.
Tout cela simultanément, sans même faire trop exprès, on ne peut pas se plaindre… Et j´allais oublier, nous sommes en plein tournage d'un documentaire sur nous, par le réalisateur rom slovaque Dodo Banyak, sur une commande de la TV nationale slovaque, portée par un projet du Ministère de la Culture slovaque. Le tournage a commencé déjà l'année dernière avec des prises de vue lors de notre tournée de printemps en France, s´est poursuivi en Slovaquie, chez nous et lorsque nous étions en déplacement pour des spectacles, et est en train d'être finalisé par des séquences d ́interviews de personnalités diverses, liées à notre groupe. Le film doit être finalisé en fin d'année et devrait voir le jour en début de l´année prochaine.
Et nous venons d´être contactés par une société de production de films qui nous demande d´intervenir avec nos spectacles lors du prochain lancement de leur dernier film, à thématique rom, dans différentes villes slovaques. Pourquoi pas !?