Mars
Nous avons fait une répétition le lundi. Bien enlevée, très intense, dynamique, concentration au maximum jusqu´à la dernière minute. Après vite, en courant à la gare des bus pour Rakusy et celle des trains pour Veľka Lomnica. Ceux de Podhorany prendront aussi le train, mais plus tard, alors ils ont le temps de tout nettoyer avant de s´en aller.
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On se met d´accord pour remettre ca mercredi prochain, histoire de pousser le bouchon au maximum avant mon départ, en effet je dois partir pour une semaine pour Paris, alors encore une petite répétition ultime, on fera venir surtout les filles et ceux qui savent chanter. Tout le monde est ok, on se voit mercredi.

Mardi matin Roman m´appelle, si je n´ai pas de nouvelles d´un de mes amis qui a dit qu´il lui faudrait abattre quelques arbres dans son jardin, ce qui pourrait constituer une bonne aubaine en bois de chauffage pour Roman, car la température vient de nouveau de baisser, et la nuit ca descend facilement à moins 15°. Non, hélas, pour abattre les arbres, il faut une autorisation spéciale, et ca prend tu temps, donc pas de quoi chauffer à l´horizon pour le moment. Roman me rappelle en fin de journée, une occasion inouïe se présente à lui, un gars lui propose toute une fournée de bois de chauffage pour 20 euros, livré devant sa cabane. De quoi se chauffer pendant un mois, me dit-il. Mais, bien entendu, il n´a pas de quoi payer, bien qu´il ait eu ses allocations il y a quelques jours, mais il a tout dépensé pour de la nourriture, parait il pour tout le mois à venir. Alors je lui „prête“ les 20 euros, bien que je sache que c´est risqué, car il risque ainsi de pas venir demain à la répétition, car il n´aura plus de besoins urgents. Mais je me dis qu´il a déjà changé, évolué, il ne va pas nous refaire le même coup de ne pas venir quand il a promis de venir. Donc on se met d´accord pour le lendemain, on se voit en début d´après midi à Velká Lomnica, lui, et quelques jeunes, juste ce qu´il faut pour mettre dans notre Dacia 7 places, on fera venir que ceux qui savent plus ou moins chanter, il n´y aura pas de voyageurs en train. D´ailleurs le dernier retour en train ne s´est pas bien passé, il y en a qui ne se sont pas bien comporté, ils ont chanté bruyamment durant le trajet à la gare, et dans le train ils ont invectivé d´autres jeunes, non tsiganes. Alors une petite pause ne leur fera que du bien, on se prépare pour le prochain spectacle, et s´ils continuent de la sorte, ils ne participeront pas à la représentation, qui est toujours une sorte de récompense pour tous. Ils seront punis !



Aujourd’hui nous nous concentrerons surtout sur le chant, sur les nouvelles filles de Podhorany, qui viennent avec Duško, et qui ont de belles voix, mais ne possèdent pas notre répertoire, qui, il faut bien le reconnaître, est très étendu, et en plus, nous avons une manière bien particulière, la nôtre, de le pratiquer. Dans la mâtiné je téléphone à Duško, pour qu´il me dise précisément qui viendra, car la compagnie des chemins de fer slovaque vient d´imposer un changement radical, il faut dorénavant que les voyageurs achètent leurs tickets par internet, sinon, au guichet, ou dans le train, il y aura une majoration très conséquente. Donc on me communique les participants, je prends les billets par internet, je les envoie par Messenger, et le tour est joué. Ça, c´était à 10h. A 11h, alors que les billets sont pris et envoyés, on m´apprend que Maria ne pourra pas venir parce qu´elle doit garder son petit frère, Aurélia vient d´avoir une attaque de la bile, elle doit partir aux urgences, et Kamila ne peut pas venir, car sa mère croit qu´elle veut sortir avec Nikolas. Donc c´est elle ou Nikolas, je dois choisir celui qui viendra à la répétition et celui qui restera à la maison. En plus, on m´apprend que Nikolas veut se trancher les veines si Kamila ne vient pas. La maman insiste pour que je prenne une décision… Ils n´ont qu´à rester tous ou ils sont, ces histoires à dormir debout ne me passionnent pas le moins du monde.


Finalement Duško viendra avec Aurélia, qui n´a plus mal à la bile, c´est Kamila qui a pris le relaie, elle fait une crise gastrique grave, s´en va aux urgences, Maria part avec elle, car elles sont cousines, mais vient Adrian, celui qu´on a pas pris la dernière fois, car il ne se comportait pas bien dans le train, lui non plus. Rakusy doivent venir pratiquement au complet, sauf Roman, qui a fait son malin à la dernière répétition, prétextant qu´il avait mal au doigt et ne pouvait pas chanter. Roman est sympathique, plutôt simpliste, il arrive à totalement s´investir par moment, carrément en transe, mais par moment il arrive à être complètement stupide, alors pareil, il n´a qu´à s´ octroyer une petite pause, je dis à Dominique de ne pas l´amener.

Je vais, comme d´habitude, prendre les jeunes à Lomnica, juste ceux qui vont chanter, pas les trouble fêtes. En arrivant à Lomnica, j´apprends que Roman n´est pas là, il est parti travailler. J´avais raison, de nouveau il nous a laissé tomber, alors qu´hier encore nous l´avons sauvé du froid sibérien en lui achetant une charrette de bois. Donc pas d´évolution, toujours la même chose, lorsqu´il n´a pas besoin de nous, il ne trouve plus de téléphone pour nous avertir qu´il ne pourra pas venir, etc… Ce n´est pas fondamentalement grave, nous avons appris à nous passer de lui, on arrive à mener les répétitions sans sa particularisation musicale, mais c´est, bien entendu, extrêmement décevant du point de vue humain. Le soir il rappellera, s´excusera, ne recommencera plus jamais, et tout repart comme avant. Le pire, c´est que Roman n´est pas un mauvais gars, il est conscient de tout ca, il a sa femme, assez extrémiste, instable et immature à traîner, sa grand mère qui le met dehors par moins 20° à supporter, tout le bidonville à affronter, car tout le monde lui en veut parce qu´ils croient qu´on l´aide, mais le plus grave, c´est que lui même, se plaignant de tous les autres, fait pareil comme tout le monde, il faillit régulièrement, malgré toute sa bonne volonté, et bien entendu, la nôtre. Bon, c´est pas grave, on fera sans lui, mais si j´avais su, peut être que je n´aurais pas organisé la répétition aujourd’hui, mais je l´aurais remis à un autre jour. C´est quand même plus facile quand on est à plusieurs à jouer que tout seul. Tant pis, je ferais en solo, comme ca au moins on entendra mieux les voix des uns et des autres. C´est ce qu´on fait, avec ces équipes recomposées, car ceux qui devaient venir de Lomnica n´étaient pas là, ils croyaient que la répétition aurait lieu au Club des jeunes, alors qu´il n´en a jamais été ainsi, mais un club de jeunes vient de s´installer dans le village, extrêmement bien équipé, l´Ong qui le gére a les moyens, e t ca va faire comme d´habitude, ils vont soudoyer nos jeunes pour qu´ils viennent, ceux- ci, bien sur, ne vont pas se faire prier, et pendant quelques temps ca fera diversion, avant de reprendre tout comme avant, car ce n´est pas si simple que cela ne parait, que de constituer et conduire un groupe de jeunes, de surcroît des bidonvilles. Nous avons vécu la chose déjà maintes fois, toujours avec le même résultat. Donc notre procédure pédagogique de ne pas prendre quelques temps aux répétitions ceux qui ne se comportent pas comme il faut, tombe à l´eau, puisque le Club les accueille les bras ouverts, sans se soucier le moins du monde des effets collatéraux.


Bien, donc la répétition est à effectifs non prévus, Roman de Rakusy, qui ne devait pas venir, lui, il est là, alors je lui explique consistement mais explicitement de quoi il est question, s´il veut recommencer ses histoires, il peut repartir aussi tôt… il jure que c´est ok. Ça l´était presque, il a fallu le rappeler deux ou trois fois à l´ordre, mais en gros ca allait. L´adolescence, plus une déficience mentale aggravée, il y a de quoi faire. Il a failli avaler une épingle qu´il a ramassé par terre en dansant, heureusement qu´on a tous vu et intervenu. A part ca, une bonne répétition, on a travaillé les chants, les voix, les secondes voix et les terces. C´est bien, ca sonne bien, mais il y a encore de quoi faire. Et quand on y arrivera à peu près, ou presque, c´est là que tout s´écroulera, car il y en a qui tomberont enceintes, d´autres partiront travailler, auront autre chose à faire, se marier par ex. ou s´acheter une paire de chaussures. Etc., etc., etc. C´est comme ca, et pas autrement, et je n´arrive pas à imaginer comment il en pourrait être autrement au bidonville. C´est l´expérience qui parle…
Ainsi va la vie ici, on fait avec, on n´a pas le choix. C´est quand, lorsqu´on arrive à obtenir des résultats, quand ca va super bien, c´est là que je me prends au jeu, je me fait avoir, je veux aller encore plus loin, juste un peu, pour atteindre les sommets… eh non, impossible, pas dans ce monde là.
Et pendant ce temps le documentaire la Tsigane - en route avec Tamèrantong poursuit sa route des festivals, et il vient de remporter son 5eme prix au Festival de Lons-le-Saunier, le Prix de la jeunesse,... on y figure et on en est pas peu fiers et heureux pour le réalisateur, Sébastien Lefebvre, et bien entendu aussi pour tout le TMT !
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