Kežmarok
Lundi 4 mai, Kežmarok
Le voyage de retour, est comme tous les retours au pays. Rapide, tout le monde dort, on ne sent pas le temps passer, et c´est la descente à Rakusy. Il est pas loin de 13 heures. On est passé par la Pologne, alors on arrive par les Tatras. Ensuite tout décharger à l´école, et enfin, à la maison. Il est 18 heures. Le téléphonne sonne. C´est le père de Vladko, le plus jeune gamin de la troupe. Il vocifère que que-est-ce que c´est que ca, comment qu´on a osé faire de son fils un clochard, il a perdu du poids pendant qu´il était pas là, on lui a donné la pièce, alors que les autres, ils ont eu des billets, il ne viendra plus jamais avec vous! Je suis dans un tel état que je n´arrive même pas à m´énerver, je l´envoie gentiment et calmement se balader et je continue à respirer doucement en fermant les yeux. Enfin, à la maison. Vraiment, en partant, je n´étais pas certain de pouvoir vivre cet instant. Il faut dire que Helena et moi, nous n´étions pas au top au niveau de la santé en partant. D´ailleurs, exceptionnellement, j´ai pris une assurance santé pour nous deux, au cas ou. Heureusement, elle n´a servie à rien...
Tout au long de la tournée, lors de chaque spectacle, nous avons vendus des BD, des livres photos et des CD. Ça nous arrive jamais. Bien qu´on a de la camelote, je n´y pense pas forcément, et après un spectacle j´ai vraiment la tête ailleurs qu´ à penser à vendre des CD. C´est dommage, car ca peut faire des sous, pas mal de mes collègues sont très performants en ce sens et n´oublient jamais d´annoncer après un concert qu´il y a ceci ou cela à acheter en sortant de la salle… moi, j´oublie à chaque fois. Ça fait près de 50 ans que ca dure, alors tant pis pour moi. Cette fois-ci, il en a été autrement. Tout simplement parce que nous avions avec nous une petite équipe de „commerciaux“ qui se sont très bien chargés de la vente promotionnelle de nos produits de communication et ont tenu à chaque étape un petit stand qui a fait merveille auprès de nos fans. Cette mission était remplie par Martina et Roman, deux nouveaux-venus dans notre troupe. Martina, c´est notre nièce, la fille aînée de Hanka, la soeur aînée de Helena. Hanka, la militante, l´intello, la députée, dont je parle souvent à propos des débuts du groupe, c´est elle qui a été à l´initiative de Kesaj, et de beaucoup d´autres choses aussi. Martina, la trentaine, est en train de finir son doctorat de romani, qu´elle a étudié en même temps que le hindi, à l´Université Charles de Prague. Elle vient de faire un stage de plusieurs mois en Finlande et au Portugal. On lui a proposé de venir avec nous. Comme ca elle pourra découvrir le pèlerinage aux Saintes Maries de la Mer, et aussi découvrir la vie tsigane des roms de terrain, ce dont elle n´a aucune expérience, malgré ses diplômes très poussés. Martina n´a jamais vécue dans le milieu rom traditionnel, la langue romani, elle l´a apprise à l´école, alors un séjour avec notre groupe pourrait être pour elle intéressant tant du point vue humain que linguistique. Et ca été le cas. Et Martina nous a été d´un appréciable secours en tout ce qui concerne la logistique tout au long du séjour. En plus c´est une jeune femme fort sympathique, que nous avons connue jeune fille, et nous avons un grand plaisir à la retrouver maintenant, adulte. Alors, c´est elle qui s´est chargée aussi du stand des „produits Kesaj“. Qui a très bien fonctionné. Elle était secondé par Roman, le frère de Palo, notre musicien de providence, dont j´ai déjà parlé plus haut. De même que son frère, Roman est très intelligent. Intello. A la différence du reste de sa famille, il se démarque de la filière artistique, ne veut rien avoir avec la musique, il met des lunettes avec un gros cadre noir, pour marquer encore plus son côté matheux, et excelle en classe. Il nous a demandé timidement s´il n´y aurait pas une place pour lui, bien sur qu´on a dit oui, ca lui fera du bien de découvrir un peu de pays. Il nous le rend bien. Il chante dans le choeur, tout-de-même, mais est surtout présent partout ou il faut donner un coup de main, au service à table, à la surveillance des petits, à la vente. Et surtout, ca fait un plaisir énorme de le voir avaler toutes les infos et les nouveautés qu´il découvre au cours de ce premier grand voyage pour lui. Alors, en fin de tournée nous nous retrouvons avec un petit pactole, généré par la vente des CD et des bouquins. Dimanche, lorsque nous nous sommes levés, après quelques heures de sommeil pour l´ultime spectacle à Lunéville, tous sur les genoux, mais sans un mot ni regard de refus, prêts à y aller de nouveau, nous avons décidé avec Hélene de partager une part du gain de la vente entre les jeunes. Les grands ont fourni des efforts considérables, ils se sont comportés d´une manière exemplaire, ils ont bossés comme de vrais professionnels. Que dis-je, bien mieux que des professionnels, qui sont la plupart de temps blasés et ne pensent qu´aux sous, ici c´était tout le contraire, un élan incroyable,et jamais un mot sur ceci ou cela… Alors, à nos yeux ils méritent amplement une récompense, et puisque, exceptionnellement, nous en avons la possibilité, nous allons la leur donner. Nous faisons vite fait une répartition qui nous semble juste, chacun selon son mérite. On ne veut pas laisser les tous nouveaux sans rien, alors, symboliquement nous leur laissons de quoi s´acheter des chewing-gum et des bonbons. D´ou la réaction du paternel de Vladko, qui a eu du mal à digérer que son gamin de 11 ans n´a pas été traité à la même enseigne que par exemple Stefan, qui en a 28, et qui a fourni un travail sans comparaison aucune avec Vladko, qui nous a constitué un boulot à le surveiller sans cesse… Mais ça, le père, ça ne l´intéréssait pas, pas plus que comment tout s´est passé, comment s´est comporté son fiston... Il en est resté à sa frustration, dans sa malédiction. C´est un cas tout ce qu´il y a de banal. Ce n´est pas la première, ni la dernière fois que ça arrive. Au moment du coup de fil, on le sent passer un peu, mais après ça passe vite, ça ne nous prend plus la tête comme avant, et on passe à autre chose. Lors de nos retrouvailles avec le groupe, une petite semaine après êtres rentrés, on en parle quand même. Voyez, rien de spécial, la norme du bidonville. La malédiction mutuelle dans tous les sens et de tous les côtés en permanence. On est tous passé par là. C´est pour ca qu´on fait ce qu´on fait. Si tu veux un peu d´amour, il faut d´abord que tu saches en donner… Pas de problème. On est sur la même longueur d´ondes...