Montmagny
Vendredi 1 juin, Montmagny
Entre temps, le lendemain, vendredi, nous prendrons avec nous trois de leurs danseuses (Aven savore) pour participer au spectacle au lycée de Montmagny, ou nous devons nous produire en fin de matinée. Là, elles seront avec nous tout au long du spectacle. Montmagny se préparait depuis fort longtemps, mais le projet avait du mal à aboutir, je pensais qu´il n´en serait rien. Ce ne serait pas dramatique, au contraire, une journée de repos en fin de séjour serait appréciable. Mais juste au moment du départ de Slovaquie je recois un message de Christophe, qui est prof au lycée, que cela pourrait se faire, qu´ils seraient très heureux de nous recevoir. Bon, on va pas les décevoir. J´imaginais bien dans quel état on serait, mais j´ai dit quand même oui, c´était une occasion de rencontre et d´échanges, il fallait la saisir. Cela nous faisait partir tôt le matin, Montmagny se trouve à l´exact opposé de Chilly, et il y avait du bouchon sur la route. Même pour une journée sans grève des transports, le trafic était démentiel. Horrible. Nous avons passé en tout 10h dans les embouteillages pour 2 h de présence au lycée. J´enragais, mais cela ne servait à rien. Par contre nous avons été très bien reçus. Christophe a préparé le coup depuis longtemps, presque tous les élèves ont vu le reportage d´Arte, avaient plein de questions pertinentes à nous poser, et l´intervention s´est fait dans un bon esprit de respect, de curiosité et de plaisir de communiquer. En introduction de notre spectacle, nous avons eu droit à la présentation du travail mené avec les élèves par Gabi Jimenez, que nous connaissons bien, intervenant au lycée en tant qu´instructeur musical sur un projet du rumba gitane. Valorisation de la culture gitane, découverte, éveil musical, etc, étaient les maitres mots du projet. Gabi tapait dans sa guitare espagnole amplifiée, les ados, manifestement impressionnés de se produire pour la première fois en public n´en menaient pas large, pas grave, on les prendra en main tout à l´heure.
C´est ce qui s´est passé. On a mis le paquet, et le spectacle a fini dans une fiesta authentique, catalane, gitane, tsigane, parigotte, coquelicotte, tout y est passé… Un temps de discussion émouvant, ils nous demandaient des nouvelles de Vladko, du reportage… A la fin, au moment du départ, en attendant les bouteilles de flotte, on discute un coup avec Gabi. Gabi est un peintre reconnu, il se réclame des gens du voyage, d´origine gitane, catalane, et il porte haut l´étandard de l´art contemporain rom au niveau international. Il est exposé un peu partout dans le monde, une école primaire francaise porte même son nom. On se connait depuis longtemps, il est même venu chez nous avec les Ogres, à plusieures reprises. En plus de sa carrière artistique de peintre contemporain, il s´engage en tant que militant pour les droits des Roms, et depuis peu, il fait partie aussi de ce nouveau truc européen basé à Berlin, Eriac (Eropean Roma Institute for Arts and Culture), qui se veut être une vitrine des Roms tels qu´ils sont. En vrai. C.a.d, surtout pas de bidonvilles, ni de terrains, pas de culture traditionnele. Non, tout est dans l´avant-garde, le contemportain. Uniquement. Exclusivement. Les autres, c´est des colonisés. Qui s´ignorent. Alors, ils (l´avant-garde, les non colonisés, qui ne s´ignorent pas) se sont donné pour mission le sympathique et modeste objectif de décolonialiser la culture rom. Merci, il était temps… Tous ce qui est un tant soit peu colorié, tradionnel, violon, manélé, pavlovce, hop, à la trappe. C´est du servage, de l´esclavage de ces vils gadjés colonialistes, une vision des roms imposée d´extérieur, parcequ´à l´intérieur, les Roms, il faut pas croire, mais ils sont tous contemporains, avantgardistes, ltbg, en jeans, baskets, casquettes, font tous du rapp et parlent courament l´anglais. Of course. Ca va, nous aussi est on est en jeans, et on a des casquettes, alors on peut entamer un timide dialogue, bien qu´en tant que colonisés, on a pas forcément droit à la parole, puisqu´elle est obligatoirement colonisée… Bref, je dis en bref, en toute amitié et respect, ma facon de penser à Gabi, que ces Andy Warhol du tsiganisme exhaussif feraient bien de regarder un peu autour d´eux, et venir faire un tour sur les terrains, comme il l´a fait dans le temps, lui, Gabi. Quand-même, ce n´est pas possible de faire abstraction des centaines de milliers (rien que pour la Slovaquie), voir des millions de Roms, qui vivent dans leur mode de vie, tel quel, de ne pas leur donner droit à la parole, de la leur usurper… J´en deviedrais même militant de l´antimilitantisme… A l´instant même, avec l´intervention que l´on vient de faire, je pense qu´on a en a mis un bon paquet au niveau de l´image des roms, ce n´est pas la peine de nous traiter d´esclaves du haut de leur tour d´ivoire de Berlin...