courrier
Chers amis,
Voici maintenant une semaine que nous avons quittés les routes françaises, et enfin, un dimanche calme se profile me permettant de vous envoyer qques lignes sur nos pérégrinations qui ont suivies notre départ de Decazeville. C´était un départ en apothéose, on ne pouvait mieux imaginer que cette soirée pour clore la tournée... cela finissait aussi bien que cela commençait à Grenoble! Ces soirées étaient à l´image de tout notre séjour en France, qui compte parmi les mieux réussis jusqu´à lors. Pour nous tout cela tenait du conte de fées, tout avait l´air si simple et pas compliqué,... comme cela peut l´être du moment que se rencontrent des hommes de cœur et de bonne volonté. Merci à vous tous, qui avaient œuvré et risqué pour que ces „événements“ puissent se réaliser. Ce merci a été prononcé à voix basse, dignement, au fond des cabanes lorsque nous sommes rentrés, par les enfants et leurs parents, qui jusque là ne concevaient même pas que quelque chose de semblable puisse exister. Ce qui est formidable, c´est que nous sommes tous conscients que cela est aussi valable dans l´autre sens, et que les moments que nous avons passés ensemble, étaient sous le signe d´échanges, communications et enrichissements mutuels.
Notre premier arrêt était à Hradec Kralové, ville tchèque à qques 100 km à l´est de Prague. Nous y sommes arrivés lundi matin, plus tôt que prévu. Cela a permis à tout le monde de récupérer – tous ont dormi dans le car jusqu´à midi, ensuite nous avons pu profiter d´un couloir du théâtre de marionnettes comme vestiaire, devant lequel allait se dérouler le festival.. Les couloirs, nous avons l´habitude, les gens étaient plutôt sympas, le public et les participants étaient presque que des tziganes du coin. L´ambiance était bon enfant, et malgré la bière à profusion, il n´y avait aucun incident. Nous avons eu un gros succès, et si l´on n´avait pas à déplorer une de nos guitares qui a disparue dans la foule, tout s´était bien passé. Après le spectacle, un peu avant minuit, nous avons repris la route, direct pour la Slovaquie cette fois-ci. Nous sommes arrivés à Kežmarok au petit matin, le temps de ramener tout le monde chez soi, nous étions prêts à commencer la course de vitesse qui consistait à payer toutes les factures, dettes et impayés qui s´étaient accumulés avant notre départ. Heureusement, que le surplus réalisé à Autrans nous a permis de faire face à ces échéances, et, exceptionnellement, nous ne sommes pas dans le négatif au retour de tournée. J´ai même réussi dans les minutes qui ont directement précédées notre départ, à finaliser une demande de subvention, et de l´envoyer lundi 30, dernière limite, à notre gouvernement. Si cela passe, cela nous apporterait de quoi tourner pour 6 mois et d´acquérir du matériel de musique performant, pour s´attaquer aux grandes scènes, puisque, visiblement, le public en redemande!
Hélas, dés la deuxième journée de notre retour, un événement grave était à déplorer – le décès du père de Rastik – le petit blondinet qui chantait et dansait en soliste. Pour ceux qui ont fait le voyage à Rakúsy, son père, c´était Vlado, l´homme à très forte corpulence, chez le quel nous nous retrouvions pour nos répétitions là bas. C´était un homme très sage, un ami à nous tous, chez le quel nous pouvions débarquer à 40 à n´importe quel moment pour une répétition, sa maison – une pièce, nous était toujours ouverte. Il a succombé à une crise cardiaque. A 38 ans il laisse derrière lui 9 enfants, dont Rastik et le petit Tomas qui ont fait partie de la tournée.
Le lendemain nous devions partir pour Nitra, ou nous avons déjà signés un contrat pour une prestation en direct à la TV slovaque. C´était peut être mieux de partir, l´action refoule la douleur. Nous avons emmenés avec nous aussi le petit Rastik, et je crois que nous avons bien fait.
Nitra est à 300 km de chez nous. C´est un des berceaux de la culture slave dans notre région. Nous avons du partir tôt le matin pour être sur place pour les essais avec la caméra, ensuite pour la répétition générale et pour le direct à 20h50. Je ne soupçonnais pas l´ampleur de l´événement. C´était la commémoration officielle de la venue du christianisme en Slovaquie. Le 4 juillet est devenu fête nationale, ce qui m´a échappé un peu jusque là, donc tout le gratin politique et show biz était là... et nous parmi ce beau monde, égales à nous mêmes, sans aucune prétention ni scrupule, nous avons emporté haut la tête cette soirée de gala retransmise en direct par notre télé nationale. Il n´y avait que du top, de l´opéra, du symphonique, du techno moderne et j´en passe... et vers les trois quart du spectacle, quand tout le monde en avait déjà marre de ce „m´as tu vu“ sur scène, nous sommes arrivés, avec Erik, Janka et Rastik en tête... et ce fut le triomphe! Personne, même les politiques blasés et les chanteurs adulés, n´ont pu résister à ce déferlement de plaisir d´exister par la musique. Ensuite à la réception, c´était pareil, on dirait que les mômes sont faits pour cela, ils s´empiffraient de tout ce qui était à la porté de la main, et au moins, pour une fois, les deniers du contribuable ont vraiment servi la bonne cause...
Cela nous a fait de nouveau rentrer au petit matin, pour qques heures de sommeil avant la route pour ramener à la maison ceux qui ont été expulsés à la frontière hongroise. De nouveau 4 heures de voiture à l´aller, pareil au retour. Sur place nous apprenons que Viktor doit partir le lendemain dans une colo de vacances, puisqu´il est sous curatelle. Sa sœur aînée, Kamila, qui s´est enfuie en Angleterre, doit rentrer au plus vite, sinon elle sera recherchée par l´Interpol, car elle n´a que 15 ans, son père doit aller en tôle la semaine prochaine, il nous prie à genoux de lui donner un peu d´argent pour aller à l´hôpital avec le petit dernier qui crache le sang et au retour nous nous arrêtons à Kubachy, d´ou viennent Irena et Stela, pour essayer de porter conseil pour une histoire de rixe avec un policier en civil, ancien champion de kick boxing, éméché, il s´est battu avec qques jeunes de là bas, s´est fait casser la figure par un petit jeunot, alors, blessé surtout dans son amour propre, il en a fait mettre 5 sous les verrous. Mais parmi eux, le père de Stela, qui a déjà eu des ennuis avec la justice, et qui, même pour celas risque très gros. Donc nous allons essayer de trouver un avocat, mais, hélas, sans grand espoir.
Voici donc, notre actualité. Demain, l´enterrement, après, tout de suite la préparation au festival de Kežmarok, qui aura lieu en fin de semaine prochaine et qui est l´occasion de se présenter devant les siens. Il faudra recoller les morceaux, comme d´hab. les musicos sont aux 4 coins du monde, Ferko a du partir pour un chantier à Prague, d´ailleurs il n´était pas avec nous pour la télé, Maros nous a rejoint juste une heure avant la retransmission. Là, nous avons du rapatrier les anciens, il faudra sans doute faire qu´avec des nouveaux, ce qui ne me dérange pas plus que ça, mais mets hors d´elle Héléna, qui ne voudrait présenter qu´une image absolument parfaite du groupe et des tziganes. Sans petits débutants attendrissants à nos yeux, qui représentent pour elle la misère de son peuple qu´elle préférerait ne pas avoir à montrer. Mais comment faire, en étant constamment rattrapés par cette réalité à la quelle la scène est le seul échappatoire...
Encore une fois, grand merci à vous tous, grand bonjour de la part de tous les Kesaj Čhave, qui vous portent dans leurs cœurs. Si vos chemins vous mènent jusqu´à chez nous, vous serez toujours les bienvenus
Alors, à bientôt
Ivan