été 2015
L´incroyable été des Kesaj Tchavé
L´été des Kesaj Tchave n´a duré que 6 semaines. 6 courtes semaines d´une longue tournée d´été, qui nous a menée sur pratiquement 10 000 km de routes des Festivals Cioff à travers toute la France. Issoire, Meilhaud, Ambert, Gironville, Le Pouzin, Chaulay, Angers, Pujols, Castres, Amélie-les-Bains, St. Paul, Le Boulou, Lourdes, Plozevet, Douarnenez, Concarneau, St. Martin, Chataulin, Haguenau... étaient les principales étapes de nos spectacles. Cela allait du Festival des Filets Bleus à Concarneau, qui en était à sa 110-éme édition, à une fiesta maison avec la Fanfare Eyo´nlé chez Fredo des Ogres, du Festival des Couleurs du Monde à Pujols au Mondial´Folk de Plozévet, en passant par les émissions de FR3, une réédition mémorable du reportage d´Arte (on dirait que le France entière l´a regardé, à en juger par les réactions des passants dans la rue... tous les jours : "vu à la télé") et tout plein d´articles dans la presse . Partout, une seule et même constante: un accueil incroyable de chaleur, de générosité, d´humanité, d´amitié... Il faut l´avoir vécu, pour le croire!
Nous avons eu la chance extraordinaire d´avoir vécu ces 6 semaines hors normes, et nous en garderons tous un souvenir impérissable. Il y a des choses qui font que les montagnes et les océans se rencontrent parfois, et c´est à peu de choses prés, ce que nous avons vécu en intensité d´émotions et d´expériences tout au long de cette incroyable virée estivale.
Merci à vous tous, amis du parcours de nos routes, spectateurs, fans, bénévoles, organisateurs, accompagnateurs... merci du fond du coeur à vous tous qui nous avez accompagnés, soutenus, applaudis, qui ont fait que tout cela puisse se réaliser. A Rakusy, Kezmarok ou Lomnica, le monde est désormais un peu plus beau...
Ivan et les Kesaj
Presse tournée - avant
0a. Fete du biniou 8.3.15.docx (184414)
0b. Le Télégramme 29.4.15.jpg (899073)
0c. Le Télégramme 29.4.15.pdf (570603)
0d. telegramme avril 29.4.15.docx (435679)
0e. ploz billet 6.5.15.docx (166276)
0f. Destination danse 3.6.15.pdf (302591)
Presse tournée - apres
1. 17.07.2015-La-Montagne-Issoire.jpg (430453)
1a. 16072015-La-Montagne-Issoire.jpg (355243)
2. 27072015-Sud-Ouest-Pujols.jpg (664382)
3. pravda olympia fr.pdf (54713)
4. le dauphine libere.jpg (123385)
5. 03082015-Sud-Ouest-Pujols.jpg (408825)
6. 04082015-Angers.jpg (513588)
7. 04082015-La-depeche-Pujols.jpg (384981)
8. 10082015-Sud-Ouest-Pujol.jpg (359156)
9. 13082015-Le-Telegramme-Pont-l-abbé.jpg (303018)
10. 13082015-Ouest-France-FinistŐre.jpg (597922)
11. 14082015-La-depeche-Lourdes.jpg (577429)
12. 14082015-Le-Telegramme-Pont-l-abbé.jpg (575009)
13. Bigouden TV.docx (197180)
14. 15082015-Le-Telegramme-Chateaulin.jpg (563642)
15. telegramme-morlaix-18-aoľt-2015.jpg (562048)
16. 18082015-Ouest-France-Morlaix.jpg (440519)
17. Chataulin 19.8.2015.docx (70635)
18. 21082015-Le-telegramme-Plozevet.jpg (284130)
19. 23082015-DNA-Hagueneau.jpg (594326)
Rakúsy
Le départ de la tournée approchait, nous étions pris par l´école, les fins d´années scolaires sont toujours plus intenses que le reste de l´année. Nous n´avions remarqué rien d´anormal, tout semblait être prêt pour la grande aventure qui devait nous mener sur les routes françaises durant 6 semaines. Toutes les étapes de la tournées étaient en place, nous devions partir le 13 juillet, pour revenir le 25 août. Entre le 20 et le 30 juillet il nous restait un trou de dix jours, hors festivals, mais nous avions la possibilité de nous poser pendant ce temps au Château de Buno et chez Fred des Ogres de Barback, alors nous étions plutôt sereins. Cela nous changait par rapport aux années de galère que nous avons vécues en partant à l´aventure, sans un sou en poche, ne sachant pas toujours où nous allions dormir et comment manger. Nous faisions des répétitions de temps en temps, plus pour rester en contact que pour travailler vraiment, car le programme, après toute cette riche saison, était bien au point, rodé, en place comme il faut.
Mais deux jours avant de partir, tout à coup les filles ne partent plus. Cela aurait été une semaine avant, on aurait pu faire faire des passeports à d´autres, mais là, en deux jours, c´est impossible de les remplacer. La raison? Toujours la même. Quelqu´un fait courir le bruit que nous donnons de l´argent à certains et pas à d´autres, et ça y est, un sentiment d´injustice profonde atteint tout le monde, et les demandes de dix – vingt euros pour s´acheter des chaussures, des slips, des chaussettes, des brosses à dents, des sodas, des maillots... et en veux-tu en voilà, ne cessent d´affluer de toutes part. Et si on ne les satisfait pas, ils ne partent pas, car comment pourraient-ils partir sans chaussures, sans chaussettes, etc. Toujours la même rengaine, le même refrain que l´on connaît que trop bien, mais que l´on n´arrive de moins en moins à supporter. En plus, il y a vraiment plus que de l´intérêt financier en jeu, on dirait qu´il y va du prestige, de l´image de soi aux yeux des autres. Puisque tout à coup il devient évident que certains touchent plus que d´autres, personne ne veut rester en reste, et tout le monde veut prendre part à la liesse générale et à la supposée distribution du trésor national. Le plus aberrant est, que bien sûr, nous ne donnons de l´argent à personne. Pour la bonne raison que nous n´en avons pas, et que nous savons pertinemment, que donner à un équivaudrait à donner à tous, et ce n´est pas possible. Et puis, il n´y a aucune raison de jouer aux distributeurs de billets. Mais, périodiquement, chroniquement, des bruits ubuesques surgissent, et on ne sait plus où donner de la tête pour y palier. La cause en est toute simple. La communauté, qui tout au long de l´année se soucie bien peu de ce qui se passe avec les uns et les autres en général, et avec les gosses en particulier, voit tout à coup certains des siens partir pour un rêve, pour le paradis. Cela fait rêver, ça fait jaser, ça fait maudire... Et il suffit de lancer quelques ragots classiques, et ça y est, tout le monde part... pour la jaserie et pour la calomnie. Pour le plaisir de détruire, faut bien le dire.
Un exemple pour tous: Perska, notre chanteuse émérite, la petite Piaf du groupe. Elle a tout de la vraie Piaf, une vie de misère, avec des revirements pas possibles, mais bien réels, malgré ses 14 ans. Alors, trois jours avant le départ, nous donnons un sac plein de vêtements à notre Perska, pour qu´elle ne parte pas en haillons, mais qu´elle soit bien habillée, propre, élégante, comme il sied à une gamine de 14 ans qui en parrait 18. Ce ne sont pas des vêtements neufs, mais ils sont en très bon état, nous les recevons de la part de nos amis au cours de nos voyages à l´étranger. Tout le monde le sait parfaitement. Perska, quand elle rentre au bidonville, toute fière, elle ne dit pas qu´elle a reçu un sac de vêtements de notre part, qu´on avait gardé pour elle depuis notre dernier voyage, mais elle brame à tout-va que nous lui avons donné 150 euro pour s´acheter des vêtement tout neufs en boutique, et qu´ils sont tous bêtes de ne pas faire pareil, et que c´est elle la plus maline, et qu´eux tous, le reste du bidonville, ne sont que des pauvres types, des sots, incapables de se débrouiller. Bien sûr, tout le monde prend ses élucubrations pour argent comptant, et les coups de fils n´arrêtent plus, vous donnez à elle, pas à moi, je ne pars plus, etc. Bref, plus personne ne part. Nous sommes à deux jours du départ. Le lendemain nous voyons Perska et nous lui demandons: Mais qu´est-ce que tu fais, nous ne t´avons pas donné de l´argent, tu sais bien que les vêtements n´étaient pas neufs! Pourquoi tu as raconté ces sottises, et provoqué tout ce bazar! Perska nous regarde, rigole comme une folle et s´enfuit en courant. Il est évident que ce moment de gloire, de revanche intense, qu´elle s´est payé en racontant n´importe quoi, en roulant tout le monde dans la farine, est pour elle bien plus important que tout le reste. Et peu importe les dégâts collatéraux. On tente d´expliquer, de raisonner, on parle en groupe, en individuel. C´est coriace, une vraie endémie, une épidémie qui touche tout le bidonville, qui a trouvé une excellente occasion de sortir de sa torpeur habituelle et participe de tout coeur à ce jeu vicieux que de maudire ses propres enfants, de s ´autodétruire joyeusement. Cela monte très vite, et peine à descendre, mais nous savons que derrière cela il y a aussi des personnes concrètes, qui jamais ne diraient rien directement en face, mais trouvent ainsi, par derrière, le moyen d´assouvir leur ressentiments, traumatismes et autres frustrations perverses dont ils débordent. Cela fini par se calmer un peu, mais le jour du départ Perska manque à l´appel. Je n´ai plus la patate pour aller la chercher au bidonville. Pourtant nous n´avons qu´elle comme chanteuse soliste, son absence va se ressentir cruellement au niveau du spectacle, c´est dommage pour elle, mais tant pis, elle ne partira pas. Alors ma femme, Helena, envoie notre fils Alex, avec un des anciens du groupe la chercher en voiture. Ils la ramènent, les yeux tout rouges, le visage bouffi d´avoir pleurée toute la nuit parce que son père ne voulait pas la laisser partir. On démarre avec une heure de retard, mais on a Perska avec nous.
Simona, la fille du gars qui a fait courir tous ces bruits n´est pas là. Son père dit qu´elle vient de tomber malade, elle ne supporterait pas le voyage. Son père est un malin. Il se débrouille mieux que les autres. Il a une voiture, il a un petit boulot à la Poste. Un soir, il y a deux ans, il nous a téléphoné en nous suppliant de lui prêter 50 euro, parce qu´il s´est fait arrêter par la police, son phare ne marche pas, s´il ne paie pas l´amande, on va lui retirer son permis et il perdra son emploi. Il fait nuit, je prends ma voiture, je lui donne l´argent. Par hasard je fais un détour en rentrant et je passe devant une salle de jeux. Je le vois devant une machine à sous...
Issoire
Issoire, la première étape de notre tournée, est à quelques 1 700 km de Kežmarok. Nous optons pour le tracé par la Pologne, ce qui nous fait faire un petit détour, mais nous évite les contrôles surprises de la douane volante autrichienne ou allemande, qui, bien que nous sommes tous en règle, shengen, euro... sont tout sauf d´agréables rencontres entre pays amis. Après 24h de route nous sommes à Issoire, reçus les bras ouverts par les organisateurs que nous connaissons très bien, pour les avoir rencontrés il y a 6 ans, lorsque nous sommes passés à leur festival. A l´époque, ce fut une de ces rencontres que l´on n´oublie pas. Ils avaient une équipe de bénévoles de tonnerre, notamment des jeunes qui profitaient de la plonge à la vaisselle pour faire des batailles d´arrosage géantes, etc.
Bref, nous étions chez nous. J´avais quelques appréhensions à revenir sur des lieux qui ont laissé à tous des souvenirs exceptionnels. Je craignais de décevoir nos hôtes. Nos petits, attachants et attendrissants à l´époque, étaient maintenant plus grands, plus distants... Mais il n´en fut rien, c´était comme avant, une parfaite entente et connivence. Dès le premier soir nous avons pu directement participer au défilé du 14 juillet. Magistral. Malgré une chaleur torride, tous nos jeunes étaient surexcités et impatients de montrer ce qu´ils savent faire, et au lieu de petites interventions de 10 à 15 minutes, ils ont joué et dansé à coeur-joie, d´affilé pendant les 2 heures du défilé, devant un public éberlué, n´en croyant pas ses yeux de voir cette liesse bigarrée, pleine de couleurs, de vie et de joie, dénotant absolument en tout par rapport aux autres groupes, chez les quels, obligatoirement, on sentait plus de convention, d´ordre, de contrainte... Là, il n´en était rien, c´était tout le contraire. Alors qu´aux autres il fallait toujours dire de commencer, de faire, pour nous le problème, c´était de s´arrêter, de ne rien faire...
Le séjour se passe très bien, il est très intense, les jeunes, en soif de représentation, ne s´économisent pas, la chaleur est tropicale, une vraie canicule, les forces s´épuisent rapidement. Mais il y a assez de ressources pour tenir toute la semaine et finir, comme il se doit, en apothéose au Gala de Clôture du Festival, suivi d´une méga discothèque qui met tout le monde en transe. L´hôtel qui nous logeait nous a décerné le prix de la bonne conduite, malgré le fait qu´au début ils étaient parfaitement odieux et désagréables en nous classant indésirables dès notre arrivée. Mais ils se sont ravisés par la suite, et nous sommes partis en clients parfaits que l´on voudrait revoir de nouveau! Nous laissons derrière nous des amis que nous avons retrouvés après des années, et que nous garderons des années dans nos coeurs.
Gironville
Je savais parfaitement qu´après le premier festival nous serons complètement épuisés. C´est toujours comme ça, il est impossible d´imposer un rythme d´économie de soi au début, lorsque tout le monde est en manque de représentation et tous ne demandent qu´à jouer, danser et chanter. Impossible de les arrêter durant la première semaine du festival, c´était pratiquement du non-stop. Alors la période entre le 20 et 30 juillet, qui s´est avérée sans festivals, sans spectacles, tombait à point, pour se reposer, pour recharger les batteries. Sachant que nous pouvons trouver refuge au Château de Buno et chez Fred des Ogres, je ne cherchais pas à meubler à tout prix ces dix jours, et avec plaisir et délectation nous nous sommes installés à Gironville, au château.
Ce n´était pas la première fois, nous avons découvert cet endroit merveilleux au printemps dernier, grâce à l´association Intermèdes, qui cette fois-ci aussi, a jouée les intermèdiaires pour nous ouvrir les portes de ce palais des Mille et une nuits... Vincent Safrat, le président de l´association Lire, c´est partir, propriétaire de la demeure, toujours égal à lui-même, donc tout simple, acceuillant, heureux de nous revoir, ainsi que la vingtaine de nos amis qui sont venus en plus, était là pour nous recevoir et partager le plaisir de partager son château avec d´autres. Vincent a acquis sa prestigieuse demeure qu´il met à disposition aux associations oeuvrant dans le social, en oeuvrant lui-meme dans le social.
Le social-culturel. Il s´est mis en tete, il y a des années de ca, de faire accéder le plus de monde possible à la lecture. Puisque la premiere barrière à la propagations des livres, c´est leur prix, Vincent a d´abord distribué gratuitement des stock d´invendus des éditions diverses, et puis, constatant un réel besoin et manque de livres dans le milieu scolaire, il s´est mis à éditer et vedre des livres au prix de fabrication. Sans aucune marge, à 0,80 centimes. Pour fabriquer et distribuer tout ca, il lui a bien fallu quelques employés, alors il a vendu avec une toute petite marge, et, devenant le premier éditeur en quantité d´ouvrages en France, il a pu s´acheter un chateau. Et pour ne pas rester tout seul dans son chateau, il le partage avec des associations comme Intermèdes, qui peuvent venir quand ils veulent, avec qui elles veulent. Et voilà comment nous nous sommes retrouvés au chateau. Et c´est très bien....
Le Pouzin
Nous ne sommes pas restés longtemps à Gironville, au troisième jour nous avons repris la route en direction de Valence, où nous étions attendus à Le Pouzin, par l´antenne locale du Ccfd, qui organisait une soirée randonnée Ccfd, à la quelle nous étions conviés.
Marie-France Garaud nous a contacté il y a bien longtemps de cela, en début d´année, et bien que cela nous faisait faire pas mal de route, c´est une occasion que je ne voulais pas manquer, car cela nous permettrait de rencontrer des bénévoles et partager avec eux un bon moment. Le spectacle était comme à l´accoutumée, très bien reçu, nos amis ne ménageaient pas leurs applaudissements, et nous avons pu trouver encore un moment pour débattre d´une manière informelle sur notre façon de faire, de fonctionner, j´ai pu répondre aux questions du public pendant que les jeunes se changeaient. Nous avons convenu d´organiser l´hébergement avec l´acceuil chez les habitants, et les bénévoles se sont répartis nos jeunes après le concert, pour les amener chez eux. C´était une première expérience pour pas mal des nôtres, qui n´ont encore jamais quitté leur familles, et aussi une aventure toute nouvelle pour nos hôtes, qui n´ont encore jamais eu l´occasion d´acceuillir toute une tribu tsigane chez eux. J´avoue, que j´ai toujours une petite appréhension dans ces cas-là, je crains un incident, une sottise, qui pourrait tout remettre tout en question et ternir la bonne image que nous essayons de donner partout où nous passons. Mais, il en fut décidé ainsi, tous nos jeunes ont disparus dans les voitures qui les amenaient dans la nuit, et il ne me restait plus qu´à attendre le matin pour voir si tout allait bien. En même temps j´étais plutôt confiant, ce n´était pas la première fois que nous étions logés de la sorte, mais c´était la première fois que nous étions chez des bénévoles du Ccfd, nos partenaires, et cela aurait été dommage de gâcher cela. Avec ma femme je me suis retrouvé chez Marie-France, j´ai préféré amener avec moi aussi les 4 plus jeunes, pour être plus tranquille, et nous avons pu passer une agréable soirée à bavarder et présenter de plus prés notre action. Le lendemain, le moment de vérité – les retrouvailles. Ouf, pas de pots cassés, ni de vases renversés... Tout c´est très bien passé, tout le monde était enthousiaste de la nouvelle expérience et des découvertes mutuelles faites des deux côtés. Nous nous sommes quittés comme si nous avions passés ensemble une semaine et non seulement une demi-journée.
Les expériences de partages et d´échanges avec les gens qui s´engagent auprès des autres, sont toujours très intéressantes. Nous savons que trop bien, comme le bénévolat peut être parfois ingrat, et qu´il n´y a pas forcément de retour positif tous les jours que Dieu a fait... C´est pourquoi, à chaque fois que c´est possible, nous allons au-devant de ce genre de public, pour apporter du réconfort, de la joie, de la dynamique et de l´espoir que tout n´est pas vain, que l´engagement pour son prochain, c´est ce qu´il y a de plus beau en ce bas monde...
La Morlière
Il aurait été inutile de faire de nouveau toute la route pour revenir sur Gironville, alors nous nous sommes dirigés vers la Morlière, quelques 500 km au nord-ouest, pour atterrir chez Fred, chanteur du groupe les Ogres de Barback, qui nous proposait son gîte le temps de repartir sur les routes des festivals. Il avait acheté récemment cette vielle ferme qu´il réaménageait pour en faire un lieu de résidence pour les artistes. Les travaux étaient encore loin d´être terminés, mais l´essentiel était à notre disposition, nous avions deux grosses pièces pour étaler les matelas, d´un côté les filles, de l´autre, les garçons, une cuisine, et même une piscine en devenir que nous avons inauguré d´office.
Dès notre arrivée, Fred a organisée un concert avec la fanfare béninoise Eyon´lé, avec qui nous avons joué à l´Olympia, alors on a remis ça à la Morlière, pour la plus grande joie de nombreux amis et voisins qui se sont déplacés pour nous voir. Parmi eux aussi les Intermèdes, qui nous ont amenés Ionutsa et Ronaldino, deux jeunes roms du camps de Champlan, où nous sommes passés il y a 6 mois, et Téo et Hafsatou, deux jeunes des cités de Longjumeau. C´était leur première sortie en dehors de leur milieu habituel, ils étaient ravis de partager ces journées avec nous. Nous en avons profité aussi pour faire un aller-retour à Angers, pour jouer à la Guinguette Henri Carré, devant un public très nombreux, dont beaucoup de nos sympathisants qui se souvenaient encore de notre passage aux Accroche-Coeurs, il y a 5 ans. Une super ambiance, des amis, des fans, des supporters, du beau temps, que demander de plus?
Mais ce qu´il nous fallait absolument, c´était un peu de calme, car l´air de rien, notre période de repos était plutôt bien chargée, et il fallait penser aussi que nous avions encore le plus gros de la tournée devant nous, il nous restait encore un mois à tenir. Alors, un repos musical absolu, s´imposait absolument. C´était une exigeance pour les cordes vocales, durement mises a l´épreuve depuis notre départ. Le lendemain nous avons opté pour une sortie océan. Malgré le temps couvert, les plages de l´Atlantique nous ont été d´un décor parfait pour une retraite sans chants ni guitares. Il nous restait encore un jour à profiter du calme absolu de la Morlière, avant de repartir pour les 4 semaines qui nous restaient encore à tenir.
Mais, tout comme au début, les 6 semaines qui étaient devant nous me semblaient interminables, je me demandais comment j´allais tenir cette éternité, au fur et à mesure que le temps avançait, que la tournée s´estompait, finalement je constatais que ce n´était pas si éprouvant, ni épuisant, que cela. La moyenne d´age de nos jeunes était de 16 – 17 ans, il y en avait aussi quelques uns de 14 ans, un de 11, mais dans l´ensemble ils se sont avérés plutôt responsables, sans excès, nous n´avions pas à gérer de situation exceptionnelle. Helena et moi, nous n´étions pas complètement épuisés, comme cela nous arrivait régulièrement lors des tournées précédentes. Nous étions aussi souvent accompagnés par des amis de longue date, des membres de l´association Yepce, qui nous connaissent depuis toujours, et peuvent intervenir efficacement au niveau de l´encadrement des jeunes, ce qui nous donne des plages de sommeil, alors tout va bien...
Gallieni
Mais nous avions quand-même à gérer une situation pas banale, survenue en début de la tournée. En effet, et pour la première fois de l´histoire du groupe, nous avons du renvoyer deux jeunes à la maison. Cela nous est encore jamais arrivé. Quelque temps avant de partir, nous avons été contacté par Viktor, un des anciens du groupe. Nous le connaissons depuis toujours, il a commencé chez nous lorsqu´il avait 5 ou 6 ans, alors qu´il habitait encore à Kezmarok, dans la même rue tsigane que nous. Il était d´une famille à gros, très gros problèmes, et pendant toutes ses années d´enfance, le groupe et les tournées lui ont procuré un refuge, un échapatoire à toutes les miséres dont la vie ne lui faisait pas de cadeau. Sa famille a été parmi les premières à être expulsée dans le sud, il y a des années de ça. Nous l´avons perdu de vue, il a eu pas mal d´ennuis, surtout avec sa famille, il a fait de la prison parce qu´il a cassé quelques côtes à son père qui voulait tuer sa mère et ses petits frères. Il a maintenant 23 ans, est revenu d´Irlande, espère ne plus faire de bêtises pour ne plus aller en prison. Quand il m´appelle et me supplie de l´amener avec sa soeur Kristinka avec nous, je ne suis pas insensible à sa demande, sachant très bien qu´il n´a pas où aller, et qu´à tout moment il peut être embarqué dans une galère et finir de nouveau en prison. Mais le risque est grand, il peut mettre en péril tout le groupe, cela fait longtemps que nous ne l´avons pas vu, je sais que déjà comme enfant, il était très violent et impulsif, il avait de qui tenir, son père est un fou de la machette. Nous ne savions pas quoi lui dire, nous avons repoussé notre réponse jusqu´au jour du départ. Mais quand il s´est avéré qu´il restait deux places de libres, Simona a été empêchée de partir par son père, et un des garçons a du rester aussi, alors j´ai téléphoné à Viktor, pour qu´il nous rejoigne sur la route, vu qu´il habitait à 400 km de Kežmarok.
Au début tout se passait très bien. Viktor est un garçon intelligent, il a de l´expérience, la prison, il n´en veut plus. Automatiquement, je le situe comme grand frère, responsable des plus jeunes. Il a passé son enfance chez nous, il sait parfaitement ce qu´il a à faire. Mais il a du mal à rentrer dans ce rôle, et a du mal à intégrer le groupe. Il reste distant, toujours en retrait. Ce n´est pas bien grave, mais cela ne va pas en s´arrangeant, au contraire, non seulement il ne participe pas aux activités, il manque toujours aux répétitions, n´est pas actif pendant les spectacles, mais il entraîne avec lui les plus jeunes, et de temps en temps il disparaît avec les ados, sans que l´on sache où il partent. On en parle, il comprend tout, est très poli, reconnaît toutes ses erreurs, se confond en excuses. Mais rien ne change, c´est toujours pareil, et même pire. Ce n´est pas très méchant, mais je n´ai pas le temps ni la force de m´occuper d´un adulte qui se conduit comme un gamin, alors que j´ai trente gamins avec moi, et quand à tout cela s´ajoutent des bouteilles chipées et vidées par ci, par là, la décision est prise, il faut qu´il parte, je ne vais pas passer un mois de nuits blanches à cause de lui. Il faut que j´assume ma responsabilité envers le groupe, je ne peux pas m´épuiser à le surveiller, si c´est comme ça maintenant, qui sait ce qui peut encore arriver par la suite. La décision n´était pas facile à prendre du tout. Il fallait réagir un peu comme à l´armée, les priorités étaient claires et évidentes, alors, lorsque nous étions près de Paris, je l´ai amené à Galliéni, et je l´ai mis dans le bus pour la Slovaquie. Sa soeur Kristinka aussi, il ne voulait pas qu´elle reste. Le départ était tendu, nous les avons accompagnés avec Helena, il aurait préféré rester, mais n´a pas fait de problèmes, bien qu´il était très nerveux, il a réussi à se contenir et il n´y a pas eu d´incident à déplorer. C´était un véritable casse-tête, mais par la suite je n´ai pas regretté ma décision, tout était ensuite beaucoup plus simple sans cet éternel souci, où est Viktor, que fait Viktor...
Le groupe fonctionne sur l´autonomie individuelle de tous les membres. Tous sont enfants, mais aussi, tous sont adultes, ils savent que, tout comme au bidonville, ici non plus, personne ne va les tenir par la main. On assure la logistique, l´encadrement, les spectacles, mais tout le monde est responsable de son sort, si quelqu´un se perd, ou fait une grosse bêtise, ce sera avant tout de sa faute, et il aura à en supporter les conséquences. Bien sûr, que nous, les adultes, sommes responsables de tout, et si un pépin survient, c´est sur nous que ça va retomber. Mais nous n´avons pas besoin de les compter sans arrêt, ni de les mettre deux par deux lorsque nous traversons la rue. On fait comme au bidonville, tout le monde est ensemble, mais tous sont autonomes...
Pujols
L´étape suivante, le Festival des Couleurs du Monde de Pujols, ne devait durer que trois jours, mais était basé sur le même principe qu´au Pouzin, l´hébergement dans les familles. Cela ne m´enchantait guère. Un jour, ça va, mais trois nuits à passer chez des inconnus, j´aurais préféré éviter cela. Et en plus on nous imposait de répartir tout le groupe deux par deux par famille. J´ai essayé de négocier une arrivée décalée d´un jour, afin d´avoir une nuit de moins à y passer, mais le programme était déjà fait, il fallait que l´on soit là comme prévu. La spécialité du Festival de Pujols, était justement dans l´hébergement des groupes par les familles. Ça fait vingt ans qu´ils agissent de la sorte, et sont devenus des spécialistes de la chose, avec une organisation bien rodée de la répartition en familles, une logistique de l´accueil impeccable. Ce qui me désolait au début, s´est avéré être une bénédiction par la suite. En effet, avec toute l´expérience des poujolais, cela ne pouvait que très bien se passer. Leur plaisir, c´était le plaisir de leurs invités, et ils rivalisaient à qui le mieux s´occuperait des siens.
Les trois jours se sont passés sous le principe d´une prise en charge complète des jeunes par les familles, et je me suis retrouvé avec Hélena comme en vacances, une vraie villégiature, chez Monique et Gilbert, qui étaient aux petits soins pour nous, les petits plats dans les grands, à nous procurer une détente que nous n´avons pas connu depuis des années. Pareil pour tout le reste de la troupe. Piscines, sorties, jeux. Personne ne se plaignait, tous auraient voulu rester encore.
A part un cas, qui prête à sourire. Kristina, n´ayant pas de paire avec elle, s´est retrouvée toute seule. Cela s´est fait comme ça, tout le monde était réparti par deux, elle est restée en rade, mais ce n´était pas grave, elle avait 23 ans, une adulte, elle allait bien se débrouiller toute seule. Mais non. C´était la première fois de sa vie qu´elle s´est retrouvée toute seule quelque part, ce qui n´arrive jamais chez les roms, alors des bouffées d´angoisse l´envahissaient, elle était mal, ses hôtes ne savaient plus quoi faire pour la soulager, nous étions obligés d ´intervenir, de changer la répartition, d´envoyer Klaudia à sa rescousse et tout allait tout de suite mieux.
Une évidence surprenante se profilait au fur et à mesure que nous avancions dans la tournée: ce n´est pas les plus jeunes qui avaient des problèmes, au contraire, eux ils étaient comme des poissons dans l´eau, sans aucune amertume ni angoisse ou chagrin, le mal du pays, ils ne connaissaient pas, mais les grands, les jeunes adultes avaient parfois des fléchissements, des vagues à l´ame, certains auraient songé à rentrer. Heureusement, ce n´était que passager, et dans l´ensemble une bonne ambiance régnait dans le groupe. Les grands de Rakúsy faisaient un peu bande à part, on sentait chez eux une distance par rapport à ceux de Lomnica, mais tant pis, c´était comme ça, et j´ai beau enrager en mon fort intérieur, je n´arrive jamais à changer cela. A chaque fois c´est pareil, les relents tenaces du système des castes empêchent notre petit monde de tourner comme je l´aurais souhaité, mais tout n´est pas obligé de marcher selon mes convictions et idéologies personnels.
Castres faisait partie du même festival que Pujols, mais nous n´y avons passé qu´une nuit, une tempête subite nous a même empêchée de faire notre spectacle en entier, ce qui était dommage, car l´auditoire comptait bien quatre mille personnes au moins. Le lendemain, la route nous a menée le long de la côte, alors pas loin de Perpignan, nous en avons profité pour une bonne baignade dans la grande bleue. Après les grosses vagues frisquettes de l´océan, le calme chaud de la Méditerranée, avec les plages de sable brûlant, était un excellent remède pour tous ces km que nous avons déja avalés, et nous en avons profité à coeur-joie.
Amélie
Le soir nous sommes arrivés à Amélie-les-Bains, dans les Pyrenées Orientales. Un festival qui, je ne sais pas pourquoi, n´avait pas la meilleure réputation, mais notre accueil fut très correct, cordial, et l´hébergement dans des gros bungalows tout neufs, très bien situés, pas loin du réfectoire, en même temps un peu à l´écart pour être tranquilles, était des meilleurs que nous avons jamais eus. Dans les environs une petite rivière offrait tout ce qu´il fallait pour se rafraîchir tranquillement, un rêve.
Nous avions avec nous Nico, notre accompagnateur pour la tournée, qui s´occupait de tout ce qui touchait à l´organisation, et de nouveau, notre séjour prenait des allures de club med pour touristes en goguette. Les productions étaient bien réparties, à part les défilés un peu contraignants, il n´y avait pas de surcharge de spectacles, on pouvait considérer ce séjour comme une partie de plaisir. Nous découvrons aussi les autre groupes, le Brésil, La Catalagne, les Batoucados, la Colombie... et les Biélorusses.
Nous avons déjà eu affaire à des Bielorusses à Issoire, là, c´est une autre troupe, mais nous constatons qu´ils sont tous les mêmes. Très distants, hautains, ne parlant à personne, même pas un petit bonjour. Cela déconcerte, surprend, déçoit même, on est tous là pour faire connaissance, pour se découvrir, partager, pas pour se faire la tête. Mais ils sont comme ça. Et en plus, ils sont nos voisins. Ils passent tous les jours devant nos bungalows, mais pas question de fléchir, pas bonjour, ni sourire. Heureusement que chaque fois il y en a au moins un qui est plus bavard que les autres, alors on peut communiquer ensemble, se raconter plein de choses sur le bon temps d´antan, l´Union soviétique, que tous regrettent. Et justement, c´est ce qui explique leur comportement étrange, ils sont encore élevés à l´ancienne, à la goulag, ça ne rigole pas, pas de camaraderie inutile. Ils sont là pour représenter leur pays, leur grande culture, leur école de danse, la meilleure au monde. Alors, bien sûr, ça la fout mal, lorsque des tsiganes sortis d´on ne sait où, qui font n´importe quoi sur scène, ils braillent, se marrent même, rigolent, disent tous bonjour, sont incapables de faire deux pas de danse cohérents, à savoir deux pas pareils, eh bien ces tsiganes emportent un succès fou, dû sans doute à folie de ces Français, tout aussi dingues qu´eux.
Mais vers la fin de séjour, manifestement en manque de tabac, certains abordent nos jeunes, pour qu´ils aillent demander une clope à Helena pour eux. Ils n´osent pas venir directement, le regard noir de ma tendre épouse ressemble trop à celui de Staline et Lénine réunis, ils préfèrent envoyer les mômes à l´abordage. Ils font comme les tsiganes, ils magouillent. Mais Helena, magnanime, a de la compréhension pour tout ce qui touche à la nicotine, et leur octroie quelques cigarettes de sa réserve personnelle, tout en les scrutant de loin du haut de sa supériorité brahmanique qu´ils devinent tout aussi impitoyable que celle de leur Loukachenko chéri.
Le dernier dimanche nous assistons à une messe en plein air, officiée par un curé, ancien rocker, qui manie bien la guitare et prend un plaisir évident à nous voir à ses côtés, remplir la scène qui sert d´autel au monde entier ici présent, réunis par la grâce de Dieu et du folklore en ces lieux de rencontre et de la paix sur terre. Amen.
Lourdes
Pour rejoindre Plozévet, notre future étape au fin-fond de la Bretagne, nous avons un peu plus de 1000 km à faire. Les longues distances, je préfère les faire la nuit, tout le monde dort, je suis enfin tranquille. Il faut juste un petit détour pour passer par Lourdes, c´est ce que nous faisons, ce n´est pas la première fois, et c´est toujours avec un grand plaisir que nous revenons voir Lisette Prost à l´antenne locale du Ccfd. Nous arrivons comme convenu en début de l´après-midi. Un goûter sympathique avec des bénévoles nous attend, suivi de la projection d´un film sur Bernadette, et d´un débat avec une soeur de Nevers, qui répond aux questions de nos jeunes. En allant ensuite aux Sanctuaires, nous nous arrêtons à l´espace Vie et Foi, pour un petit concert improvisé qui attire les passants et les pèlerins. Lisette a alerté la presse locale, et le lendemain un article dans la Dépêche du Midi relate nos pérégrinations et aventures estivales.
Lourdes est une étape incontournable sur nos routes, du moment qu´elles nous mènent par le sud-ouest. Cela arrive souvent, mais c´est toujours la même ferveur qui est au rendez-vous, tous repartent apaisés, la paix dans les coeurs et les âmes.
Plozévet
Plozévet est le point culminant de notre aventure d´été. Le Festival Mondial´Folk, par la voix de son président, Pierrot Bosser, nous a invité et organisé toute la tournée, avec toutes ses étapes et partenaires. Autant dire, que c´est une grande responsabilité et un grand engagement de leur part en notre faveur. Il va de soi, que nous voulons être à la hauteur et ne pas décevoir nos amis. Oui, des amis de longue date, puisque nous sommes déjà passé chez eux il y 10 ans, en 2005. Et c´était une expérience extraordinaire, avec des souvenirs hors normes, qui nous ont marqué pour la vie. A l´époque, c´était une des premières grandes sorties du groupe, tout le monde découvrait pour la première fois le grand monde, l´océan, la France, et à Plozévet nous avons fait des rencontres inouïes, inoubliables. A tel point, que lors du départ tout le monde était en pleurs, pas juste quelques gouttes au coin de l´oeil, mais des torrants de larmes, tous, nos gamins, les organisateurs, les grands, les petits, étaient pris par une sorte de chagrin collectif de se quitter, et lors du défilé final à travers la petite ville, n´avaient pas assez de mouchoirs pour sécher toutes ces larmes de crocodiles. Les Roms, et les enfants de surcroît, sont très émotifs. L´émotion surgit, on ne sait d´où, elle se répend, prend tout le monde, et c´est parti, les Bretons n´étaient pas en reste. A l´époque les journaux tiraient: „...nos coeurs vont rester un peu tsiganes maintenant“.
Et c´est vrai, puisque dix après, nous nous sommes retrouvés, pareils, les mêmes, même si d´autres gosses étaient là, puisque plus personne de l´ancienne équipe n´était plus dans le groupe, tous ont des familles, enfants. De nouveau, des appréhensions pour ne pas décevoir, pour être à la hauteur de ces souvenirs remplis d´émotion. Mais aucun souci, tout était pareil, le spectacle, l´émotion, le plaisir d´être ensemble. J´étais aussi heureux de constater que les plus jeunes, Matej, Jakub, qui allaient maintenant sur leurs 15 ans, et de ce fait étaient moins spontanés qu´avant, ils étaient plus intériorisés, plus adultes, eh bien au fil des jours que la tournée avançait, ils redevenaient des jeunes, des gosses qui savouraient à pleines dents leur temps d´enfance, que manifestement, au pays, ils ont depuis longtemps quitté. Ils n´arrêtaient pas de rigoler, de chanter, de s´éclater, de faire mille et une blagues, de mettre de l´ambiance. Tout le plaisir de la vie, qu´ils savaient parfaitement partager, généreux, souriants comme avant.
Cette métamorphose se voyait aussi sur les physiques. Tout le monde a pris du poids. Une restauration normale, saine et régulière a portée ses fruits, et les carences nutritionnelles dont souffraient certains étaient effacées par des joues bouffies et des pantalons et jupes qui devenaient tout à coup trop serrés, ca craquait de partout. Ça, c´était une preuve par quatre, qu´il y avait du positif, quoi qu´il arrive! Mais, heureusement, aucun désagrément majeur n´allait ternir notre villégiature, la tournée a basculée dans sa deuxième moitié, et comme au début nous n´en voyons pas la fin, nous commencions maintenant à nous apercevoir que nous approchions de la fin, et nous aurons aimé prolonger encore un peu ce plaisir d´être ensemble et le partager avec notre public.
Nous avons été rejoint aussi par Dushko et Joana, des anciens, qui assuraient, de par leur ancienté, une autorité d´appoint non négligeable et nous secondaient efficacement dans la marche de la troupe de tous les jours. Pareil pour Jenica et Cassandra, deux jeunes roms roumaines du 93, leurs présence était bénéfique tout autant pour nous que pour elles. Nous avons aussi retrouvé à Plozévet des amis martiniquais du Ballet Pomme de Cannelle, que nous avons côtoyés il y 9 ans, lors du festival aux Saintes. Nous avons passé un mois ensemble à l´époque, logés dans le même bâtiment. Des liens très forts se sont tissés à l´époque. A tel point, qu´après tout ce temps, ils nous demandaient ce que devenaient David, Viktor... il se souvenaient encore du noms des gamins qui les avaient tant marqués alors. Quelles retrouvailles!
Le Festival Mondial´Folk, marquait le début de la fin de la tournée. Il y avait encore la route du retour, avec une halte à Haguenau, mais on sentait que irrémédiablement tout cela allait prendre fin et c´étaient les derniers moments de communion que nous vivions ensemble. Pierrot Bosser était aux petits soins pour nous, ainsi que toute l´équipe des bénévoles, des amis de la région parisienne nous ont rejoint, Laurent Ott de l´association Intermèdes, et Vincent Sarfat du Château de Buno n´ont pas hésité à faire des km pour nous rejoindre sur la fin du festival. Pareil pour Cécile de Yepce, qui nous a donné un sacré coup de main en rafistolant avec sa machine à coudre presque tous les costumes qui ont senti passer les 6 semaines de spectacles, et ne tenaient plus debout...
Notre contact avec le public est exceptionnel, les gens nous connaissent, se souviennent de notre passage il y a 10 ans, tous ont vu le reportage d´Arte, tous n´ont que de bonnes intensions à notre égard. Notre action est soutenue à l´unanimité, on est vraiment comme chez soi... ou mieux, car chez nous ce n´est pas, et de loin, aussi bienveillant. Le départ de Plozévet n´était plus en pleurs comme il y a 10 ans, on a tous grandi, mais l´émotion était là, on savait que l´on quittait des amis chez les quels nous pouvons revenir même après 10 ans.
www.bigouden.tv/Actualites-3792-Plozevet_Mondial_Folk._La_beaute_et_la_fougue_tziganes.html
Marne-la-Vallée
De nouveau, plus de 1 000 km devant nous pour rejoindre Haguenau, notre dernière étape de la grande tournée glorieuse, magistrale, héroïque, monumentale... géniale. Comme à l´accoutumé, nous optons pour un transfert nocturne, et le matin nous sommes à Marne-la-Vallée, aux portes du parc Disney. Oui, c´était la grosse surprise, la récompense suprême, puisque tout le monde a aussi bien travaillé, s´est appliqué, bien écouté, était sage... Nous avons dès le début évoqué cette possibilité, sans rien promettre, car nous ne savions pas comment la tournée allait se passer et est-ce que nous allons nous en tirer financièrement. Le constat était positif, alors après avoir étudié toutes les possibilités de ristournes imaginables, nous avons réussi à obtenir un prix intéréssant, et nous nous sommes fondus dans l´énorme masse des visiteurs qui affluaient de toutes part.
L´entonnoir humain allait vers l´entrée principale en se rétrécissant, on était une masse compacte, cosmopolite, de toutes les couleurs et races de notre bonne vielle planète mère, la planète terre engloutie par Mickey, quand un homme s´adresse à moi: „Bonjour, je vous ai vu à la télé, c´est bien ce que vous faites, continuez comme ça.„ Après la rediffusion par Arte de notre reportage, le dimanche 19 juillet dernier à 20h, nous rencontrons des réactions similaires tous les jours. La mantra post Arte. C´est à croire que la France entière n´avait rien de mieux à faire ce soir que de regarder Arte et nos exploits à l´Olympia! Il me serre la main, je regarde son épouse, ses enfants, ce sont des Roms! Oui, il est de Roumanie, mais installé en France, il travaille, sa femme est du côté gitan... Je suis sidéré. Des Roms qui viennent en visiteurs au Disney! Et nous tombons sur eux dans la myriade des visiteurs du monde entier! On se prend en photo, nous échangeons nos adresses facebook et on s´engouffre dans le parc.
On a pas de chance. Il pleut. Mais on a de la chance, il ne fait pas froid, et la pluie réduit les hordes de visiteurs et les temps d´attente aux attractions, que nous assaillons comme il se doit, de front et de tous les côtés. Tout le monde veut tout voir, tout essayer, et pas qu´une seule fois. On se sépare en deux groupes thématiques, ceux qui peuvent endurer les émotions fortes, qui ont l´estomac solide et peuvent s´embarquer dans les fusées spatiales, trains endiablés, et que sais-je encore, et les autres, dont moi, qui optent pour des manèges moins saltimbantesques. En début d´après-midi le soleil réapparaît pour sécher nos vêtements complètement trempés, et la pneumonie, qui selon mes craintes allait faucher tout le monde, peut aller se faire voir ailleurs... On avale les casse-croûtes que Plozevet nous a préparés pour la route, et en fin de journée nous voila repartis en direction de l´Est, pour Haguenau et son Festival du Houblon. Inutile de dire cette journée de repos a été complétement épuisante, et qu´on est morts de fatigue, à genoux, comme si on avait fait 6 spectacles d´affilé. Mais heureux! En route, petit crochet par la roccade de l´autoroute à Reims, livraison de cartons de vêtements par Monique, comme d´habitude prête avec sa camionette, les soutes du bus sont pleines à craquer, on peut continuer.
Haguenau
Il n´y a rien à faire, les dernières étapes, on a déjà la tête un peu ailleurs, on sait que l´on va rentrer, d´autres idées viennent à l´esprit, on a un peu de mal à se concentrer. Mais Haguenau nous a pris dans ses bras... Ici aussi, nous sommes passé il y a des années, avec un souvenir d´un acceuil formidable. Nos anciens accompagnateurs nous attendaient, impatients depuis des mois de nous retrouver. Bruno a même menacé de quitter le festival s´il ne ferait pas partie de notre équipe d´encadrement. Normal, il était même venu nous voir en Slovaquie, il y a quelques années. Alors! Les Cluzels,retraités bénévoles du Festival de Felletin, qui ont été à l´origine de nos contacts avec leCioff, ce qui a donné toute la suite des tournées pendant des années, étaient aussi présents, des retrouvailles toujours pleines d´émotions.
A ce stade, on était vraiment comme des pros, toutes les interventions étaient au top, quelque soient les conditions matérielles, qui étaient parfois éprouvantes, vu les énormes masses de spectateurs que drainait le festival. La fatigue et l´usure étaient là, c´était indéniable, mais on ne laisse rien paraître, et on envoie une sacré énergie, que même les Bielorusses, toujours les mêmes, sont bien obligés de reconnaître. Comme c´est souvent le cas, en fin de parcours les masques de fer ont fondu, et les kominternes de Minsk sont devenus humains comme les autres et ne se privaient pas de faire les marioles avec nos jeunes.
Haguenau réunissait en son sein une vingtaine de groupes de tous les continents. Et de nouveau des retrouvailles inouïes après des années! Cette fois-ci, c´était la troupe du Kamtchatka, des vieux potes de l´autre bout du monde avec les quels on a fraternisé il y a dix ans. Et puis aussi les Îles Boréales, Tahiti, l´Argentine, l´Ouzbékistan, le Burundi, et que sais-je encore. Le festival nous a offert une méga discothéque techno en plein air, théâtre d´un battle de hip hop mémorable entre les Maoris et les Roms slovaques. Un vrai délire! Tous ces groupes, venus de très loin, ont passé plus d´un mois, voir deux. Pour amortir le coût des voyages il faut rester longtemps. Nous étions tous à la même enseigne, loin de chez nous, hors de nos univers et environements habituels et tous, nous allons repartir après ce festival au loin, à l´autre bout du monde, à la maison. Il s´en est crée un sentiment de connivence qui rendait les rapports plus ouverts, plus simples qu´au début, lorsque nous nous sommes tous retrouvés pour la première fois.
Mais un orchestre dénotait un peu par rapport aux autres formations. Dès notre arrivée, nos guides nous expliquaient, un peu gênés, qu´il y avait aussi une autre troupe comme nous, une fanfare de cuivres de la Macédoine, qui jouait très bien, mais ils n´étaient pas comme nous, ils se comportaient comme des goujats, manquaient de respect envers les femmes, à tel point que plus personne ne voulait les accompagner comme guides de tournée. Et c´étaient des Roms. On les a regardé du coin de l´oeil, pas question de fraterniser, s´ils sont comme ils sont, ils n´ont qu´à le rester, on n´a pas besoin d´eux, ils nous font assez honte comme ça. Finalement ils n´étaient pas si méchants qu´ils en avaient l´air, c´étaient des petits jeunes, gros crâneurs, comme on en connaît plein chez nous, ils ne savent tout simplement pas se tenir, et leur côté macho avait du mal à passer chez les Français. Donc nous faisions chacun notre vie de notre côté, on se regardait, mais on ne se parlait pas, Helena veillait au grain. Et quelle était notre surprise, lorsqu´au deuxième jour, les guides venaient nous dire que les Macédoniens ont radicalement changé de comportement, ils n´étaient plus odieux et hautains, ils sont devenus aimables, bien élevés, souriants et galants envers les femmes. Notre présence les a fait changer de tournure, ce n´était pas la peine de jouer au plus goujat, puisque l´on pouvait tout simplement jouer à celui qui est plus raffiné, plus poli, et ça n´empêchait pas de bien s´amuser quand même, tout en restant tsiganes à fond, comme nos gosses. Aussi simple que ça. Inutile de dire, que cela nous a fait un sacré plaisir, leur chef est venu nous rendre hommage, en expliquant aux siens, que c´est comme ça qu´il faut se tenir, aller à l´école, étudier, donner le bon exemple. C´était mieux comme ça et on passé du bon temps ensemble ensuite.
Il nous restait plus que la dernière prestation du Gala de clôture sur la grande scène avant de partir. On fera la route la nuit, comme toujours. Il y a un peu d´attente, tous les groupes du festival passent par sets de 15 mn, les uns après les autres. On est en quatrième position, ce qui nous permet ensuite de ne pas s´attarder et filer. Tout à coup, panique, Perska tombe dans les pommes. Ça lui est déjà arrivé le jour de notre arrivée à Issoire à cause de la canicule, et voilà qu´elle remet ca, juste avant de rentrer. Heureusement qu´ Ezel l´a ratrapée et elle ne s´est pas fait mal en tombant, mais elle n´est pas bien, les secours sont tout de suite là, on l´améne dans l´ambulance. Tous regardent, s´effacent pour laisser passer le cortége, il y a les Bielorusses, les Brésiliens, les Ouzbek, les Tahitiens, et je ne sais qui encore, le reste du monde. Je n´en mène pas large, je mets toujours la pression sur scène, comme un fou, et voilà ce qui arrive... Bourreau d´enfants! S´ils la laissent à l´hôpital en observation, on est foutu, ils la garderont quelques jours, peut-être une semaine, bonjours les dégâts. Mais s´il lui arrive quelque chose, ce n´est guère mieux. Heureusement que le médecin de service ne date pas d´hier, il l´examine consciencieusement, il conclue à une petite hypothermie, un manque de sucre passager, et nous pouvons ramener notre Perska avec nous, comme nous l´avons apportée. Au bout de dix minutes elle rigole dans le bus, tout va bien. Donc embarcation immédiate, direction Slovaquie, on rentre. Le voyage de retour se passe très bien, il n´y a pas de raison qu´il en soit autrement. Tout le monde dort la majeure partie du trajet, on se réveille juste pour un MacDo polonais, et le lendemain, vers 15h on livre tout ce petit monde à Rakusy, et ensuite à Lomnica.