Couleurs du Monde, Pujols
Couleurs du Monde, Castres
Pujols
L´étape suivante, le Festival des Couleurs du Monde de Pujols, ne devait durer que trois jours, mais était basé sur le même principe qu´au Pouzin, l´hébergement dans les familles. Cela ne m´enchantait guère. Un jour, ça va, mais trois nuits à passer chez des inconnus, j´aurais préféré éviter cela. Et en plus on nous imposait de répartir tout le groupe deux par deux par famille. J´ai essayé de négocier une arrivée décalée d´un jour, afin d´avoir une nuit de moins à y passer, mais le programme était déjà fait, il fallait que l´on soit là comme prévu. La spécialité du Festival de Pujols, était justement dans l´hébergement des groupes par les familles. Ça fait vingt ans qu´ils agissent de la sorte, et sont devenus des spécialistes de la chose, avec une organisation bien rodée de la répartition en familles, une logistique de l´accueil impeccable. Ce qui me désolait au début, s´est avéré être une bénédiction par la suite. En effet, avec toute l´expérience des pujolais, cela ne pouvait que très bien se passer. Leur plaisir, c´était le plaisir de leurs invités, et ils rivalisaient à qui le mieux s´occuperait des siens. Les trois jours se sont passés sous le principe d´une prise en charge complète des jeunes par les familles, et je me suis retrouvé avec Hélena comme en vacances, une vraie villégiature, chez Monique et Gilbert, qui étaient aux petits soins pour nous, les petits plats dans les grands, à nous procurer une détente que nous n´avons pas connu depuis des années. Pareil pour tout le reste de la troupe. Piscines, sorties, jeux. Personne ne se plaignait, tous auraient voulu rester encore.
A part un cas, qui prête à sourire. Kristina, n´ayant pas de paire avec elle, s´est retrouvée toute seule. Cela s´est fait comme ça, tout le monde était réparti par deux, elle est restée en rade, mais ce n´était pas grave, elle avait 23 ans, une adulte, elle allait bien se débrouiller toute seule. Mais non. C´était la première fois de sa vie qu´elle s´est retrouvée toute seule quelque part, ce qui n´arrive jamais chez les roms, alors des bouffées d´angoisse l´envahissaient, elle était mal, ses hôtes ne savaient plus quoi faire pour la soulager, nous étions obligés d ´intervenir, de changer la répartition, d´envoyer Klaudia à sa rescousse et tout allait tout de suite mieux.
Une évidence surprenante se profilait au fur et à mesure que nous avancions dans la tournée: ce n´est pas les plus jeunes qui avaient des problèmes, au contraire, eux ils étaient comme des poissons dans l´eau, sans aucune amertume ni angoisse ou chagrin, le mal du pays, ils ne connaissaient pas, mais les grands, les jeunes adultes avaient parfois des fléchissements, des vagues à l´ame, certains auraient songé à rentrer. Heureusement, ce n´était que passager, et dans l´ensemble une bonne ambiance régnait dans le groupe. Les grands de Rakúsy faisaient un peu bande à part, on sentait chez eux une distance par rapport à ceux de Lomnica, mais tant pis, c´était comme ça, et j´ai beau enrager en mon fort intérieur, je n´arrive jamais à changer cela. A chaque fois c´est pareil, les relents tenaces du système des castes empêchent notre petit monde de tourner comme je l´aurais souhaité, mais tout n´est pas obligé de marcher selon mes convictions et idéologies personnels.
Castres faisait partie du même festival que Pujols, mais nous n´y avons passé qu´une nuit, une tempête subite nous a même empêchée de faire notre spectacle en entier, ce qui était dommage, car l´auditoire comptait bien quatre mille personnes au moins. Le lendemain, la route nous a menée le long de la côte, alors pas loin de Perpignan, nous en avons profité pour une bonne baignade dans la grande bleue. Après les grosses vagues frisquettes de l´océan, le calme chaud de la Méditerranée, avec les plages de sable brûlant, était un excellent remède pour tous ces km que nous avons déja avalés, et nous en avons profité à coeur-joie.