Vivante. Emilia Sinsoilliez aime la vie et cela se voit. Un bonheur presque contagieux, où malgré les difficultés de la vie, elle garde toujours en tête des espaces de liberté. Une énergie puisée dans la culture Roms/Tsigane, dont elle est tombée amoureuse.
De sa rencontre en 2005 avec le chef de la fanfare Vagabontu, Ghitsa Iorga avec qui elle aura deux enfants, Agostino et Paloma, elle veut garder le meilleur et se souvenir de ce mariage tout en démesure, où habillée d’une robe couleur pomme verte, elle dit oui à l’homme de sa vie. «Il m’avait fait la cour pendant six mois. Cette histoire d’amour est un peu à l’origine du festival», raconte t-elle. Latcho Divano qui veut dire le «bel échange» en romanes s’attache à valoriser la richesse des cultures Roms/Tsiganes et ouvre vendredi sa 9e édition à Marseille.
Cette fille «d’immigré économique», dont les deux parents sont éducateurs de rue, grandit dans le quartier de la Cayolle, où se trouve le dernier des bidonvilles. C’est là que vivent des Baghdadis, des Roms venus d’Irak. Ces peuples d’errance nourrissent son imaginaire. Ce n’est pas un hasard si elle devient professeur des écoles dans le quartier de St-Mauront. Un quartier parmi les plus pauvres, où elle fait la classe à des enfants roms. Emilia aime la couleur. Porte une robe à plastron brodé. Comme un costume traditionnel roumain. Du haut de son 1,80 mètre, elle a une vision large du monde. C’est une «gadje» (non-tsiganes), mais dans sa tête elle vagabonde.
Un peuple d’errance, privé de liberté
Elle est très vite attirée par les pays de l’Est. En 2003 un premier voyage en Roumanie, dont elle parle comme de l’enclave d’un peuple latin, remplit ses étés de sonorités italiennes. La chute de Ceausescu en 1989, annonce la fin d’un modèle et en même temps la découverte d’une culture roumaine qui se nourrit de culture Rom. «Dans un pays de fortes traditions, les villages roumains sont riches de liens sociaux, de solidarité et de cette autre culture rom». Ce peuple d’errance vit dans un pays qui les prive pourtant de liberté. «Leur façon de vivre et de résister» l’étonne toujours.
Les Roms étaient esclaves jusqu’en 1856. Ils ne le sont plus depuis 160 ans, mais continuent d’être fortement discriminés. «La façon dont on traite les Roms aujourd’hui agit comme un miroir de la société. Une société en crise qui donne une image de rejet et de peur», affirme Emilia. Le Festival est chaque année un défi de plus en plus difficile à relever. A force de résister, les Roms déploient une énergie folle. «Ceux qui vivent en France luttent. Ce ne sont pas des victimes. Je les trouve dignes.» Ce n’est pas un hasard si Emilia est devenue enseignante.
Pour les enfants roms, le chemin de l’école est semé d’embûches. «Les mamans se lèvent le matin après avoir passé la nuit dans le froid et amènent les enfants à l’école. Le lien avec l’école est un combat. Peu d’enfants roms qui vivent dans une situation précaire parviennent à mener une scolarité normale. Les enfants des quelques familles qui ont réussi à avoir un logement apprennent vite, parce qu’ils sont apaisés».
A sa façon Emilia résiste, comme son festival. Elle apporte «sa petite part». Une contribution modeste par la culture. Au festival, tout en écoutant de la musique, on parle d’expulsion, de bidonvilles, parce que cette réalité existe. Le festival déconstruit à sa manière les préjugés. Ce combat n’a jamais été autant d’actualité.
Catherine Walgenwitz