Nous avons mis le Pèlerinage aux Saintes Maries de la Mer dans la rubrique de nos succès, bien que cela n´en est pas un au sens commun du mot. C´est plutôt un événement remarquable, hors du commun, qui n´arrive que très rarement.
Nous avons fait le pèlerinage dans le cadre de notre tournée CCFD 2018, qui se déroulait dans le sud de la France. Mais ce n´est que sur le tard, lorsque le programme était déjà mis en place, que j´ai réalisé que les dates du 25 et 24 mai tombent pile dans notre tournée. J´ai demandé à Antoinette, notre coordinatrice sur place, d´essayer d´arranger le coup avec les organisateurs des journées concernées, ce qui fut fait, et nous avons pu mettre le cap sur les Saintes Maries le jeudi 24, après avoir fait une intervention, fort agréable au demeurant, au lycée de Gignac.
Le pèlerinage est un haut lieu du gypsy tourisme international, inutile de dire que la pacotille prend le dessus sur le spirituel, mais c´est comme ça, on le prend tel-quel, et parmi la foule des touristes de provenances diverses et d´origines non controlées, bien qu´il me semble qu´il y ait une prédominance de scandinaves, nous attendons patiemment que le cortège avec les statues se mette en branle. L´attente se fait longue, on cherche la meilleure place, à l´ombre, on en profite pour pousser la chansonnette, ça fait passer le temps et comme ça les touristes n´auront pas fait le déplacement pour rien...
Je pars en avant pour repérer sur la plage le meilleur endroit possible pour assister à la cérémonie, et il n´en faut pas moins pour l´équipe de la gendarmerie pour encercler manu militari notre troupe, avec les kalachnikof à l´appui, comme dans un film d´action made in usa. Helena est dans tous ses états (la honte, que vont dire tous ces gens autour!), les autres n´en mènent pas large, Jean Barak essaie de parlementer, ce à quoi on lui rétorque que les bisounours, ça va... Et l´étreinte continue à se resserrer. Un des gendarmes dit à Antoinette de s´écarter, car il y a danger. Antoinette débarque, ne comprend absolument pas ce qui se passe, incrédule, elle demande mais de quel danger qu´il s´agit. Faites attention à ces jeunes ma p´tite dame, écartez vous, ils essayent de vous voler votre portefeuille!, lui enjoint le pandore de service. Mais ils sont à moi ces jeunes! s´écrie Antoinette, ce sont mes petits, je suis leur responsable! Là, c´est le gendarme qui a du mal à comprendre, il fini avec un laconique, excusez nous madame, c´est la déformation professionnelle...
Bon, ça fait un bon petit paquet d´émotions fortes, mais il ne faut pas chercher la petite bête automatiquement du côté des gendarmes. Les temps sont ce q´ils sont, une attaque inopinée d´un fou de dieu est, malheureusement, tout à fait à l´ordre du jour, et ce sentiment d´insécurité permanente n´ajoute en rien à la sérénité du gendarme de service, il y a de quoi être inquiet et pas rassuré. Et juste avant l´intervention musclée facon tortues ninja, les mêmes gendarmes ont pris in flagranti, la main dans le sac, un rom en train de détrousser une touriste, sans le moindre état d´ame, il aurait fait la même chose si c´était une touriste rom, cigane ou manouche… bref, les marlous tsiganes s´en donnent à coeur joie dans le sacro saint des sanctuaires zsigano-gitans, et ratissent large tout ce qui passe à la portée de leurs vilaines mains. Donc, il n´y a pas le moins du monde de quoi s´offusquer devant la réaction un peu nerveuse et précipitée des gendarmes sur place, qui croyaient débusquer dans notre petite troupe artistique un commando de voleurs de grands chemins. Hélas, des voleurs, et en l´ocurrence, des voleurs tsiganes, il n´y avait que cela sur la place publique des Saintes Maries de la Mer, en ce jour du 24 mai, jour du pèlerinage gitan annuel… Et comme d´habitude, la solution, c´est l´école, pour qu´il y ait moins de pique-poquets tsiganes, et pour qu´il y ait plus de flics roms, qui mettraient la main sur leurs semblables partis sur de mauvais chemins…
A part cet incident que l´on pourrait presque qualifier d´opérette, s´il n´y avait pas de vrais kalachnikoffs en guise de décor, tout s´est très bien passé. En contournant l´église, nous avons même découvert une petite porte, par la quelle nous sommes entrés, et en évitant la grosse foule nous avons pu nous asseoir à l´arrière de l´autel et nous recueillir en prière auprès des catafalques des deux saintes. Un précieux moment de sérénité et de communion spirituelle, en dehors de toute cette excitation théâtrale qui régnait dans la cité. Nous sommes allés ensuite à la plage pour attendre la venue de la procession avec les porteurs des statues sur leurs chevaux, comme le veut la tradition. Il faisait un vrai temps d´été camarguais, le soleil tapait à souhait, alors, comme pas mal d´autres, nous en avons profité pour une bonne trempette dans la grande bleue, surtout que pour pas mal d´entre nous c´était le premier contact avec la grande mare salée. D´autres roms, tsiganes, ou manouches, etc, avaient fait de même, alors il n´y avait aucune raison de ne pas joindre l´agréable au spirituel, et manifestement, le pèlerinage n´en avait pas plus pâti pour cela. Il fallait quand même surveiller de près les petits nouveaux pour les quels c´était leur première expérience avec la mer, c´est Joana qui avait fait les maîtres nageurs a la Palm Beach, pour garder les petits auprès d´elle afin qu´il n´aillent pas trop loin, elle leur avait dit qu´elle ne sait pas nager, alors ils sont restés auprès d´elle pour la protéger… Au bout d´un moment une douzaine de cavaliers surviennent, avec les statues des saintes, entrent dans la mer, la foule les suit, tout ça dans une ambiance bon enfant, en maillots de bains, slips ou habillés, tous entrent dans l´eau, ça fait du bien, on va comme on vient, on ressort de l´eau, c´est le retour en direction de l´église. Je demande à Jean Barak de se placer au devant du cortège, pour prendre une bonne photo, tant qu´on est là… et on se retrouve et tête de la procession, juste devant les statues portées cette fois ci par des hommes à pied, par des roms, qui n´en reviennent pas de nous voir surgir on ne sait d´ou. On entame nos chansons, on a de la voix et du coeur, les prêtres qui ouvrent le cortège se retournent, tout étonnés de cette chorale inopinée, ils nous prennent en photo avec leurs portables, filment cette scène inhabituelle. Antoinette qui connaît par coeur ce petit monde explique de quoi il s´agit, l´archevêque d´Aix en Provence et d´Arles est là, il a droit à la visite guidée kesaj, il nous parle, oui, nous sommes des chrétiens, des catholiques…. Ah bon, manifestement surpris de voir des Roms catholiques et non pentecôtistes ou autres tendances jéhovistes qui pullulent à profusion, il nous serre la main, donne la bénédiction à Helena et à toute la troupe. On se quittera à un coin de rue lorsque nous repartons en direction de notre bus et le cortège s´en va en direction de l´église. Les gendarmes qui assurent la garde rapprochée de l´archevêque et des prêtres, les mêmes, qui ont failli nous embastiller tout à l´heure, n´en reviennent pas…