Rudolstadt Festival
Kolozal
Le festival était colossal. Kolozal, pour être plus précis... C´est le plus grand dans son genre (ethno-world) en Europe, il date encore de l´époque communiste, dans le temps c´était un haut lieu de la dissidence, et il a gardé de sa superbe encore de nos jours. Un côté non conformiste assumé, un peu punk, non conventionnel. C´est en grande partie grâce à son directeur, Bernhard Heinken, qui nous a contacté il y a un an, après avoir vu notre reportage d´Arte. Le premier, d´il y a 3 ans. Il y avait plus de 100 000 visiteurs, et il pourrait y en avoir plus, mais la petite ville ne pouvait en contenir un plus grand nombre. Avec 130 groupes du monde entier, des grands noms de la scène internationalle, des stars, des inconnus, des pygmés de la jungle tropicale, des... du tout de tous les continents, et nous. Nos prestations sont très appréciées. D´autant plus que, le reportage d´Arte aidant, il a été rediffusé il y a une semaine, en Allemagne aussi, toutes les 5 minutes des gens nous reconnaissent dans la rue et nous félicitent. Et puis, dans un festival de musiques éthniques, nous apportons une éthnicité dynamique, énergique, communicative... les gens aiment. Adorent.
Nous avons joué la première de l´Arche de Noah relloaded à guichets fermés, devant cinq mille personnes, sur la scène principale. Elle était retransmise en direct par les trois plus grandes radios allemandes. Malgré tout le travail en répétitions, le défi était de taille. A vrai dire, personne ne savait vraiment où on allait, ce qu´on allait jouer. Mathias (le chef d´orchestre) peut-être, mais ce n´était pas vraiment certain. Finalement nous intervenions tout au long de la pièce, et heureusement, car sinon cela aurait eté un peu monotonne et longuet. Mathias a tout basé sur les mélopées orientales et sur les rythmes africains, avec des envolées vers le free jazz lors de ses interventions au cor alpin. Ca n´en finissait pas... Nos collègues étaient très performants, mais dans l´ensemble n´étaient pas orientés vers une conception scènique de la production musicale. Tout le contraire de notre approche. Nous nous sommes moulus dans les musiques qui étaient imposées, le naturel tsigane aidant, nos jeunes ont spontanément adoptés les rythmes et les danses burkinabées, et le tout donnait cette impression tant souhaité et chérie, que nous sommes tous nés dans un même chaudron musical et que le multiculturel n´avait aucun secret pour nous. Toutes les années de nos expériences de scènes en tout genre, tout le travail d´improvisation et aussi de discipline, de rigueur, de contact avec le public a pu être mis à profit lors de cette performance. Honnêtement, je ne vois pas comment un autre groupe, moins expérimenté aurait pu relever ce défi, et passer des obstacles dont les autres n´avaient même pas idée, puisqu´ils ne sont que des musiciens et pas des artistes de scène dans le vrai sens du mot. Mais cela, les organisateurs ne pouvaient pas le savoir, et je suis sidéré de voir les risques qu´ils ont encourus en se lancant dans ce projet. Mais tout c´est très bien passé, et c´était un gros succès, standing ovation, rappels, la gloire.
Le reste du festival s´est très bien déroulé, nous avons encore quelques spectacles solo, que du Kesaj. Cela permet enfin aux autres formations de l´Arche de nous découvrir véritablement, et nos nouveaux collègues, dont ceux, qui nous regardaient de haut encore récemment (les syriens), ne sont pas peu surpris... Nous participons encore à une émission radio en direct, donnons des interviews, profitons de cette gloire éphémère mais non moins agréable pour ca, cela fait du bien d´être reconnu de temps en temps, de voir pris en considération tout le travail et les efforts déployés par tout notre collectif. La rencontre avec Peter Doruzka, un gourou du monde des medias world ethno, nous donne, un mois plus tard, cette définition de notre groupe, qu´il a publié dans un super article du Rock&All magazine, lors d´une interview avec nous : "Le spectacle, bourré d´énergie, avec 35 personnes sur scène, est grâce à l´absence du moindre semblant de pathétisme, l´opposé exact d´une chorégraphie folklorisante, tout se passe dans un tempo étourdissant à la limite des possibilités humaines." Nous n´en demandions pas plus...