visite de Mr. Christophe Léonzi
Par un beau jour du mois de juin, nous avons reçus la visite de Christian Léonzi, ambassadeur de France en Slovaquie. Nous avons d’excellents rapports avec l’ambassade, et c’est avec grand plaisir que nous avons accueilli, en début d’après-midi, une petite délégation, avec Son Excellence et ses quelques proches collaborateurs.
Nous n’étions pas les seuls dans le comité d’accueil, juste au moment quand nos invités de marque franchissaient le portail de notre établissement, de l’autre côté de la cour, arrivait, par l’autre entrée, une délégation de la gendarmerie de la ville. Eux, ils n’étaient pas invités, encore moins conviés, c’est tout à fait délibérément, de leur propre chef, qu’ils se sont joints à nous. Pas pour faire la fête, mais pour verbaliser. Nuisances sonores. Nos voisins anonymes, car nous ne savons toujours pas d’où proviennent ces mesquines dénonciations, ont alerté la maréchaussée qu’il y avait des nuisances sonores dans le parc industriel dans lequel nous avons élu domicile, et que les hurlements stridents des scies électriques sont remplacés par de la musique, ce qui est insupportable, alors vite, les forces de l´ordre, sans préavis ni discussion, tout de suite la prison. Heureusement, nos gendarmes n’ont pas pêché par excès de zèle, voyant les plaques d’immatriculation du corps diplomatique des voitures, ils se sont ravisés, ont rangé leurs carnets de contreventions et ont battu sagement en retraite.
Juste un peu avant l’arrivée de Mr. l´Ambassadeur, nous avons profité de quelques minutes que nous avions à notre disposition, et nous avons mis au point sommairement, mais avec de la verve et conviction, la chanson Solenzara. C’est un vieux classique corse, sachant que Mr. Léonzi est originaire de l’Île de Beauté, nous avons voulu faire cette petite surprise, peut-être pas très finaude, mais l’intention y était. Solenzara est très mélodique, c’est un air qui colle instantanément dans les oreilles, en plus le mode harmonique correspond aux modulations tsiganes, rien d’étonnant que ce fut un succès immédiat auprès de nos troupes, qui l’ont tout de suite adopté, à grand renfort de décibels, les voix partaient comme en Corse, jusqu’aux cimes des montagnes qui nous servent de cadre. Nos voisins, selon toute évidence, sans le moindre penchant insulaire, n’ont pas hésité une seconde et ont fait le numéro de la police, qui n’avait pas d’autre choix que de venir, pour empêcher l’irréparable, sans que l’on sache lequel… Ceci est juste pour illustrer l’état des lieux et des personnes qui les occupent. Pourtant nous n’avons pas beaucoup de répétitions, elles ne durent pas longtemps, car il faut attraper les bus ensuite pour rapatrier nos troupe a leurs bidonvilles respectifs, et il suffit de me dire une fois, j’aurais tout de suite réduit le niveau sonore, ou arrêté la répétition, je déteste déranger qui que ce soit avec ma musique. C’est presque maladif chez moi. Hélas, il faut bien constater que nos chers voisins ont un penchant sournois, jamais ils ne sont venus parler, s’arranger avec nous, dès qu’il y a un peu de bruit, ils appellent la maréchaussée. C’est pénible, car, toujours que dans la défensive, il ne serait venu à l’idée de personne de se plaindre de ces dénonciations, nous sommes automatiquement persuadés que nous avons tort, un beau vieux réflexe tsigane, et les petits bourgeois peuvent alors faire la loi, et nous menacer de sévères représailles si nous voulions continuer. Vu, que nous sommes censés d’être avant tout un lycée, et pas une école de musique, avec toujours cet éternelle appréhension de se voir etre accusés de danser et de chanter au lieu de faire des maths et de la chimie, nous battons sagement en retraite, alors que nous ne sommes pas dans notre tort, au contraire, on devrait nous féliciter de faire quelque chose de notre propre initiative et sur nos propres fonds avec ces pauvres gamins, mais cela, il ne faut pas rêver, ce n’est pas pour demain, ni pour après-demain…
Grâce à la présence du corps diplomatique français le pire est évité, nous pouvons même réitérer la chose, et Mr. l’Ambassadeur a droit à la Solenzara ainsi qu’à une petite vingtaine de minutes de notre répertoire, nous ne voudrions pas l’accaparer plus. Manifestement, l’assistance apprécie fort bien notre prestation, et il ne serait venu à l’idée à personne de s’en plaindre et encore moins d’appeler police secours. Nous faisons une brève présentation de l’établissement à nos hôtes et nous les accompagnons à la sortie, sans que les gendarmes aient à intervenir. Les voisins ont dû ronger leur frein, ils nous le rendront une autre fois…
En partant, l’ambassadeur m’a dit qu’il songeait à présenter notre projet à un sponsor, une entreprise française en Slovaquie qui soutient régulièrement des actions dans notre genre. Toujours marqué par mon passé de show biz, je pensais que c’était plus ou moins une formule de politesse, et que ça en resterait là. Décidément, il faudrait que je fasse une cure de désintoxication de mon passé où l’on racontait n’importe quoi et on promettait la lune à tout un chacun qui voulait y croire, sans que rien ne se réalise, bien sûr… Là, c´était différent. Une ou deux semaines après j’ai reçu un coup de fil de l’ambassade, suivi d’un dossier tout ce qu’il y a de simplissime, et dès que nos calendriers respectifs l’ont permis, nous étions reçus à la Résidence de l’Ambassade de France, pour se voir remettre un chèque de la Fondation UP des chèques restaurants du même nom. Aussi simple que ça. Il y avait les médias, des secrétaires d’état, des amis, et Helena et moi, un peu déconcertés quand même de se voir ainsi récompensés, alors que dans notre entourage immédiat on appelle la police pour nous appréhender en termes de récompense…
Rencontre de l’Ambassadeur avec la communauté Rom