Popradské pleso
Sherpa Rallye 2014
Notre première participation au Rally Sherpa. Un temps splendide, une bonne ambiance au départ. Tout l'événement est filmé par l'équipe d´Arte, Sébastien Mesquida et Yann Le Gléau, qui sont en train de tourner ce qui deviendra notre "mémorable reportage d´Arte".
Sherpa Rallye 2023
Tous les ans, on organise dans les Tatras une course de porteurs de charges aux refuges, le Sherpa Rallye. Par tous les temps. Cette année La météo est détestable, mais ce n'est pas grave, nous n'avons pas l'intention d'aller au refuge de Rysy, nous venons juste pour donner le coup d'envoi du Sherpa Rallye, la course des porteurs de charges aux refuges, dont le départ est à Popradské Pleso. La Slovaquie est l'unique pays au monde où se perpétue la tradition du ravitaillement des refuges de montagnes par le portage à dos d'homme. L'hélicoptère n'est utilisé que très rarement, dans des cas spéciaux, tout au long de l'année, ce sont les hommes qui montent sur leurs dos tout ce qui est nécessaire pour le fonctionnement des refuges. En pratique, on monte sur un dénivelé d'environ de 800 m et une longueur de 6 à 8 km des charges allant jusqu'à ̀ 90 kg, et même plus pour les plus aguerris. C'est extrêmement épuisant, et parfois, vu que c'est en haute montagne, cela peut être dangereux. Mais c'est l'idéal pour se mettre les idées et les muscles en place. Bien sûr, on fait ça par passion, par le goût de l ́ effort et par amour de la montagne. J'ai eu la chance et le bonheur d'exercer ce métier hors normes pendant quelques années de ma jeunesse, et j'ai encore de nombreux amis qui datent de ce temps. Alors lorsque Viktor, le gardien du refuge de Rysy, m'a demandé de venir animer le départ de la course des sherpas, avec grand plaisir j´ai accepté. Donc au petit matin, vers les sept heures, le bus doit prendre une première fournée de jeunes de Rakusy, pour venir ensuite nous rejoindre à notre local de répétitions à Kežmarok et aller récupérer encore ceux de Lomnica. Mais à 7h15, Dominik me téléphone qu´il n´y a aucun bus en vue à Rakusy. Vite un coup de fil au transporteur, qui dans un premier temps ne répond pas, les minutes passent, on est attendu pour le départ, heureusement, il finit par répondre, pour me dire qu´il a complètement oublié notre commande. Bravo ! Que faire ?! Il est en Autriche, et nous devons être dans une heure au départ de la course. Heureusement, un de ses collègues est par miracle disponible, et il peut nous rejoindre dans vingt minutes. Nous arrivons à Lomnica, nous sommes en tout une trentaine, donc deux fois plus que prévu, mais je n'ai pas le coeur de dire à des petits nouveaux de ne pas venir, alors on embarque tout le monde. C'est toujours comme ça. Roman, qui doit assurer au clavier, n'est pas là. Pourtant, il a juré de venir, de ne pas nous laisser tomber. Cette promesse de sa part était d´autant plus sérieuse, qu´il la proclamait en nous demandant, comme d´habitude, de l'aider dans sa situation désespérée. Ce que nous avons fait, mais une fois le désespoir passé, les promesses ne tiennent plus, et il n'a même pas eu le courage de nous téléphoner pour prevenir qu´il ne viendra pas. Je sais qu´ils ont eu un baptême la veille, tiens, du coup ils avaient des moyens pour ce faire.., mais il aurait pu au moins prévenir. Bon, depuis des années, je suis habitué à ce genre de déconvenues, ce ne sont même plus des surprises, c ́est plutôt le contraire qui eut été étonnant, mais ca déçoit quand même, par principe, plus que par les complications que ça crée, bien qu´assurer la partie musicale juste qu ́avec une balalaïka, sans le clavier, donc sans instrument harmonique, n ́est pas évident, cela ne se fait pas... En plus, la veille, Jakub m´a envoyé un sms, qu´il ne pourra pas venir, car on lui propose un petit boulot juste ce dimanche quand nous devons aller jouer. Jakub joue du cachon, sans Roman et le clavier j´ai vraiment besoin de lui, on doit jouer en plein air, tout seul, j'aurais du mal. Son histoire de boulot c´est n´importe quoi, personne ne lui propose rien du tout, mais tout son entourage au bidonville est en train de lui monter la tete comme quoi il est bête et idiot de venir avec nous sans etre payé, il faut qu´il fasse pression sur nous, etc... Jakub a 22 ans, il est dans le groupe depuis ses quatre ans, nous avons énormément aidé sa famille, et lui aussi en particulier, par ex. dernièrement, il n'y a pas longtemps, lorsqu ́il fallait le rapatrier de Tchéquie, quand il n'avait pas un sou pour prendre le train après une énième expérience infructueuse de travail sans être payé par des employeurs tsiganes sans scrupules, ou il y a deux jours quand je suis allé le chercher à l ́autre bout de la ville pour l'aider à ramener à la maison une grosse fenêtre qu ́il venait d ́acheter et n'avait pas comment la ramener chez lui. Je lui passe un coup de fil, sans m'énerver je lui explique quoi et comment, sans insister, il n´a qu´à faire comme il veut. Le matin, il est là. Tant mieux, il a su faire la part des choses et faire front à son entourage. Mais, problème. Et de taille ! La météo est mauvaise, horrible. Alors que nous sommes encore au pied de la montagne, le ciel devient sombre, noir, comme au crépuscule. Et nous sommes encore en début de matinée. Il pleut, et il est évident que ça ne va pas s'arrêter. J´ai dit à tout le monde de s´équiper comme en hiver, j´ai amené tout ce que j´ai comme bonnets, des coupe-vents, mais il est évident que nous ne pourrons pas assurer sous cette pluie une prestation musicale avec chant et danse en plein air et en plein déluge. De plus, pour accéder au lieu où doit avoir notre intervention, l'endroit du départ de la course, il n'y a pas d'accès pour les voitures, il y a environ une heure de marche à travers la forêt à faire, ou se faire amener par une voiture tout-terrain. Je ne sais vraiment pas comment ça va se passer, et si quelque chose va se passer... La course, elle, elle aura lieu, le portage se fait par tous les temps, les tempêtes y compris... Mais pour ce qui est de la musique, c'est autre chose. Bon, on verra. Lorsque nous arrivons au parking, la pluie se fait plus fine, c'est déjà ça. Viktor arrive avec un gros pick-up avec une remorque pour le transport du matériel, donc pas couverte, il a déjà quelques passagers, mais on réussit l'exploit de faire monter trente passagers serrés comme des sardines, et s´est parti. Je monte à pieds avec le reste, ça va, il ne pleut pas trop, ca leur fera une petite balade. L ́ambiance est au top, au moins la moitié des effectifs sont des petits jeunes, tout nouveaux, qui sont venus peut être juste à deux ou trois répétitions, je ne connais même pas leurs noms, ils sont tout excités de sortir pour la première fois de leur osada dans le grand monde, alors la pluie, il n'en n'ont cure... Une seconde voiture vient nous chercher, nous aussi, et sur un chemin digne des montages russes nous montons rejoindre les autres. Dodo Banyak, le régisseur qui fait un documentaire sur nous pour la télé slovaque nous a rejoint de Bratislava et il filme tout ça. Le départ aura lieu de devant un gros hôtel de montagne, il y a tout le confort et des salles de restauration, alors nous nous installons tranquillement et attendons la suite des événements. Le départ est différé de deux heures, on espère que le temps va s'arranger un peu, ok, mais que faire avec toute cette marmaille dans un lieu fermé, sans pouvoir sortir. Heureusement, Slavka, une amie qui a déjà participé à une de nos tournées, est avec nous pour me donner un coup de main, Helena est sous antibiotiques et elle n'a pas pu venir. On gère tant bien que mal tout ça, vivement le départ de la course. Finalement, un peu avant midi on se rassemble tous devant l'entrée de l'hôtel restaurant. Il pleut encore un peu, tant pis, on fera avec. Viktor nous demande d'attaquer, ce que nous faisons avec grande joie et un entrain qui nous sont propres. Après avoir poireauté pendant deux heures à l´intérieur, les jeunes sont tout excités, et ce n´est pas la petite pluie qui va calmer leurs ardeurs. Malgré les conditions on ne peut plus impropres à une prestation artistique, sous la pluie, dans un espace impraticable, sur des escaliers, etc., on en donne pleine la vue à tout le monde, les spectateurs montagnards n'en reviennent pas de voir un tel déferlement d'énergie et de joie. Un déluge de bonheur de vivre. Heureusement, on a un parapluie et quelqu´un pour le tenir au-dessus de ma tête pour protéger ma balalaïka, et nous pouvons donner notre maximum, et même un peu plus, comme d'habitude :) . Ce mélange savant, bien qu ́improvisé, de quelques anciens et de nouveaux, environ à moitié - moitié, donne une authenticité incroyable, on ne fait pas un spectacle, on offre tout simplement une tranche de la vie, que l´on consomme sans modération et que l´on partage avec le public médusé qui ne demande qu ́a partager, d´ailleurs... On ne prolonge pas trop, juste ce qu'il faut, et le départ peut être donné, la pluie est oubliée, les charges de soixante kilo pour les hommes et vingt pour les femmes, de même, et tous montent au ciel. Comme dans le fameux film, Les Tsiganes montent au ciel...Super. Malgré tout, malgré tous les éléments qui ont joué contre nous, la pluie, le froid, le terrain, pas de bus, l'absence de Roman, plein de nouveaux... tout s'est très bien passé, ce sera une de nos prestations mémorables, hors normes, de celles dont on se souviendra. Viktor, le gardien du refuge et l'organisateur de la course, est aux anges, il nous offre à tous une excellente goulash et on peut entamer le retour au parking. Pareil qu´à l'aller, le pick-up fera l'affaire. On s'y engouffre comme on peut, une bonne partie des grands ados est sur la remorque, sans bâche aucune bien sûr, et la descente se fait en chantant à tue-tête sous le regard abasourdi de quelques touristes qui se sont aventurés là malgré la météo infernale. Les retours de tous les spectateurs et montagnards sont on ne peut mieux. Le lendemain je reçois un coup de fil de Michal, le sponsor qui nous a offert les chaussures de montagnes cet été, il a vu les vidéos de notre prestation, trouve sa super, et nous demande de quoi nous avons encore besoin, il est prêt à nous aider encore en équipement. Ça tombe bien, l'hiver vient, et quelques bonnets, gants, etc., seront biens utiles pour nos sorties. La montagne, ça vous gagne !